Thèse soutenue

D'ancêtres de la nation à victimes ancestrales : les indigènes du Mexique et la construction d'une mémoire historique pour la reconnaissance de la pluralité culturelle (1968-2001)
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Auteur / Autrice : Miriam Hernández Reyna
Direction : Henry Rousso
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 17/11/2020
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Histoire de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (Aubervilliers, Seine-Saint-Denis ; 2000-....)
Jury : Président / Présidente : Sandrine Lefranc
Examinateurs / Examinatrices : Henry Rousso, Denis Rolland, Eugenia Allier Montaño
Rapporteurs / Rapporteuses : Frédérique Langue, Guy Rozat-Dupeyron

Mots clés

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Résumé

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A la croisée de l’histoire politique et de l’histoire des concepts, cette thèse aborde l’évolution de la conception du passé indigène au Mexique, d’abord enraciné dans les mythes de l’unité nationale, mais réinterprété, depuis la fin des années 1960, d’après le discours politique de la mémoire historique. Afin expliquer cette transformation, j’ai procédé en trois temps. Pour la période 1968-1980, je montre comment une nouvelle génération d’anthropologues a forgé une théorie sur le continuum de l’ethnocide pour qualifier le passé des indigènes depuis la conquête du XVIe siècle et jusqu’au présent. Mondialisée à travers des réseaux intellectuels, cette version du passé a également été mobilisée par des organisations indigènes en Amérique Latine et au Mexique, depuis la période 1980-1990. Depuis une vision d’eux-mêmes comme victimes ancestrales, ces groupes ont cherché une prise de parole publique afin d’obtenir des mécanismes légaux pour le respect de leur identité. Au Mexique, la mémoire indigène est devenue une affaire politique majeure lors du soulèvement de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale en janvier 1994, que nous analysons comme un moment de cristallisation de la figure de l’indigène en tant que victime ancestrale en attente d’une réparation depuis cinq siècles. Je montre également comment la montée en puissance de la mémoire indigène a été prolongée, dans les années 2000, par la reconnaissance constitutionnelle de la pluralité culturelle. Cette dernière mesure partage des aspects avec les politiques mémorielles au monde : commémorations, centralité de la victime dans le discours politique et modalités de réparation. A présent, ces aspects sont observables dans les politiques de l’interculturalité, conçues comme une manière de payer une dette ancestrale avec les indigènes, et de favoriser des relations sociales harmonieuses. La réparation peut prendre, de plus, la forme d’une récupération de l’identité précolombienne à travers des politiques d’éducation interculturelle et de promotion des langues dites originaires. L’intention de ces politiques est aussi de combattre le racisme et la discrimination envers les indigènes, longtemps perçus comme inférieurs. Finalement, j’interroge des effets paradoxaux de cette mémoire à l’intérieur de l’utopie de l’État interculturelle. J’attire l’attention notamment sur l’installation d’une concurrence identitaire entre les indigènes et les métis, exacerbée par l’émergence des sentiments à la fois de supériorité, mais aussi de ressentiment, associés à la figure de l’indigène comme victime ancestrale. Loin d’être une exception, ce phénomène correspond à la vague mondiale, et contemporaine, des identitarismes qui font de la mémoire leur principal instrument politique.