Thèse soutenue

S'engager au FN dans la ''France des oubliés'' : sociologie d'un parti politique hors des métropoles : le Front national en Mayenne et dans l'Yonne (années 1980 - années 2010)

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Auteur / Autrice : Guillaume Letourneur
Direction : Frédéric Sawicki
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 23/10/2020
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de science politique (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre européen de sociologie et de science politique (Paris ; 2010-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Louis Briquet
Examinateurs / Examinatrices : Julian Mischi, Violaine Girard
Rapporteur / Rapporteuse : Nonna Mayer, Florence Haegel

Résumé

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La thèse examine la manière dont le Front national s'organise et se mobilise à l'écart des grands centres urbains. Depuis plusieurs années, le vote FN est souvent présenté dans les médias comme celui de la «France périphérique» et Marine Le Pen se proclame porte-parole de la «France des oubliés». Mais que représentent l'implantation militante et le développement organisationnel du parti frontiste hors des métropoles ? Qui sont ses cadres territoriaux, ses candidats et ses militants dans les zones excentrées ? Que font-ils quand ils vont «au Front» ? Pour répondre à ces questions, la Mayenne et l'Yonne constituent des observatoires privilégiés des mobilisations frontistes et de l'engagement partisan dans des petites villes et les campagnes françaises. Par cette entrée territoriale, la thèse entend restituer les engagements individuels et les mobilisations collectives d'extrême droite en les ré-encastrant dans leur contexte. Cette démarche permet de saisir la structuration du frontisme dans le temps long et de restituer la vie des fédérations dans une historicité propre aux territoires étudiés. À partir de sources archivistiques, la généalogie du parti d'extrême droite montre que cette formation politique, dès l'origine, est enkystée dans quelques viviers militants: la nébuleuse catholique traditionaliste, des individus ayant des attaches avec les forces de l'ordre, une fraction des mondes de l'artisanat traditionnel et des petits indépendants sur le déclin, des partisans de l'Algérie française. Du fait de ces filiations historiques, le milieu partisan frontiste parvient rarement à essaimer au-delà de ces noyaux fondateurs. L'enquête de terrain, par entretiens et observations, met alors en évidence la distance qui sépare les réseaux militants d'extrême droite et l'électorat du parti appartenant notamment aux classes populaires. Si certains membres des petites classes moyennes fondent beaucoup d'espoirs dans la vague «bleue Marine» et rejoignent le parti présidé par Marine Le Pen à partir de 2011, le fonctionnement élitiste, hyper-centralisé et par cooptation du parti engendrent chez eux des déceptions militantes. En dépit d'une stratégie volontariste d'«implantation locale» dans les années 2010, le FN n'accède que rarement aux mandats locaux et aux ressources institutionnelles qui permettraient à l'organisation de se consolider et de stabiliser sa base militante. Dans la «France des oubliés» que Marine Le Pen exhorte dans ses discours, le FN reste une organisation politique minoritaire et isolée, une force électorale d'appoint et un mouvement social marginal. Le mode de scrutin majoritaire et l'emprise des partis installés ne lui permettent pas de devenir un parti d'élus et d'accéder à la «notabilité». Au total, le FN demeure un parti de militants, marqué par un fort turn-over, des difficultés à recruter des candidats et à professionnaliser ses représentants