Spéciation sympatrique chez les cichlidés en Amazonie ? : spéciation et sélection sexuelle dans le modèle Apistogramma agassizii (Steindachner, 1875)
Auteur / Autrice : | Guillain Estivals |
Direction : | Fabrice Duponchelle, Jean-François Renno, Carmen Garcia Davila |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Génétique des populations |
Date : | Soutenance le 29/01/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, Muséum national d'histoire naturelle |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Instituto de Investigaciones de la Amazonia Peruana |
Laboratoire : Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques (Paris ; 2009-....) | |
Jury : | Président / Présidente : François Bonhomme |
Examinateurs / Examinatrices : Fabrice Duponchelle, Jean-François Renno, Carmen Garcia Davila, François Bonhomme, Anne Chenuil, Nicolas Hubert, Philippe Keith | |
Rapporteur / Rapporteuse : Anne Chenuil, Nicolas Hubert |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Nous avons choisi le modèle Apistogramma agassizii pour tester la spéciation rapide en sympatrie chez les cichlidés Amazoniens. A. agassizii partage de nombreuses similitudes avec les cichlidés Haplochromines qui sont des exemples remarquables de radiations adaptatives chez les vertébrés. Tout comme les Haplochromines A. agassizii est philopatrique, et présente : un important polymorphisme de couleur avec un dimorphisme sexuel marqué, un choix de partenaire différentiel, et une garde parentale. Nous avons échantillonné 1170 individus d’A. agassizii provenant de 36 popsites (unité de collecte la plus petite) au Loreto en Amazonie péruvienne. La variabilité génétique d'A. agassizii a été étudiée en utilisant 2 marqueurs mitochondriaux (COI et Cyt b) et 10 locus microsatellites. Les 1170 individus ont été génotypés parmi lesquels 104 ont été séquencés pour les deux marqueurs mitochondriaux. Au total 44 haplotypes ont été obtenus à partir des séquences concaténées. Les analyses ont mis en évidence 3 « species flocks » (nommés Sp1, Sp2 et Sp3) vicariants, qui auraient commencé à diverger de leur ancêtre commun le plus récent (MRCA) il y a 1,83 Ma (calibration à partir de fossiles). Les degrés de différentiation génétique des 3 « species flocks » s’organiseraient de façon fractale suivant la hiérarchisation du réseau hydrographique. Les valeurs de différenciations génétiques (estimateur θ du FST) que nous avons observé dans les « species flocks », n’avaient encore jamais été observés sur de si petites échelles géographiques pour un poisson en Amazonie (Sp1 : 0,04 - 0,37, moy. = 0,16 ± 0,06 (σ) ; Sp2 : 0,08 - 0,40, moy. = 0,17 ± 0,09 (σ)). Les rivières Marañon, l’Ucayali et l’Amazone, constitueraient le niveau hiérarchique de rang 1 en limitant la dispersion des 3 « species flocks », favorisant la spéciation allopatrique. Les microbassins hydrographiques constitueraient le niveau de hiérarchisation inférieur de rang 2, avec des différenciations génétiques d’amplitude variable structurant les species flocks en sympatrie. Le terme de « sympatrie » étant ici employé au sens large. Enfin, à l’intérieur des microbassins, les ruisseaux constitueraient le niveau hiérarchique de rang 3 dans lequel des proto-espèces (unité génétique dont le processus de spéciation peut être réversible) divergeraient en sympatrie stricte. L’histoire évolutive du « species flock » Sp1 a été conditionnée par des événements hydro-géomorphologiques multiples qui auraient alternativement favorisés des évènements de fragmentation ou de dispersion induisant des mélanges de populations mises en contacts secondaires. Des expérimentations sur le mode du choix de partenaire ont été réalisées en tenant compte des 3 niveaux hiérarchiques identifiés. Au niveau de hiérarchie de rang 1 (sous-bassin), les femelles Sp1 et Sp2 ont choisi préférentiellement des mâles de leur propre « species flock » (Sp1 : p-value = 0,0005 ; Sp2 : p-value = 0,0029). Pour le rang 2 nous avons testé le choix des femelles Sp1 en leur proposant un mâle de leur ruisseau (même microbassin) et un mâle d’un ruisseau d’un autre microbassin. Pour le rang 3 nous avons testé le choix des femelles Sp1 en leur proposant un mâle de leur ruisseau et un mâle d’un autre ruisseau appartenant au même microbassin. Dans les deux configurations, les femelles marquaient généralement une préférence sexuelle selon l’origine des mâles, sans que celle-ci ait pu être testée de façon suffisamment approfondie pour corroborer que la sélection sexuelle jouerait un rôle moteur dans le processus de spéciation en sympatrie. Les mécanismes évolutifs mis en évidence dans le modèle Apistogramma agassizii pourraient également être impliqués dans la diversification d’autres espèces de Cichlidés, voire d’autres groupes d’organismes en Amazonie et expliquer pour partie l’hyper diversité spécifique dans le plus grand bassin hydrographique du monde.