Thèse soutenue

Images-lucioles. : Iconologie chrétienne et marxisme hérétique dans le cinéma européen des années 1960 et 1970.

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Auteur / Autrice : Aurel Rotival
Direction : Luc Vancheri
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et arts
Date : Soutenance le 09/11/2020
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Passages XX-XXI (Lyon ; 2007-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : Passages XX-XXI / XXI
Jury : Président / Présidente : Isabelle Chareire
Examinateurs / Examinatrices : Martine Beugnet
Rapporteur / Rapporteuse : Jean-Michel Durafour, Benjamin Thomas

Résumé

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Comment appréhender, au tournant des années 1970 et dans des films réalisés par des cinéastes ne faisant pas mystère de leur engagement marxiste, communiste ou révolutionnaire (Pasolini, Arrabal, Fassbinder, Jancsó, Garrel, etc.), la récurrence de motifs et de schèmes empruntés à l’iconographie et à la liturgie chrétiennes ?« L’article des lucioles », publié par Pasolini en 1975, offre la matrice allégorique et théorique permettant d’appréhender la séquence historico-politique singulière qui va de la fin des années 50 au milieu des années 70. Il désigne d’abord l’avènement d’un dangereux pouvoir néo-capitaliste, destructeur et totalisant, face auquel marxisme et christianisme vont être amenés à modifier leurs outils de lutte et de vision du monde. Il décrit ensuite une véritable crise anthropologique qui solde la destruction de mondes culturels entiers, face à laquelle il s’agira de rendre aux rites et aux traditions leur potentiel contestataire, qui leur permet de jouer comme les opérateurs capables de mobiliser les énergies manquantes aux luttes politiques, comme la mémoire ou la communion. En tant qu’élégie pleurant la disparition de cultures aimées, il présente enfin un véritable constat eschatologique sur la fin du monde, problématique théologique ré-exposée, à cette même époque, par la menace nucléaire, paroxysme industriel de la domination du règne de la technique.Ainsi, les lucioles pasoliniennes dessinent-elles le régime iconologique singulier dont procèdent ces films résistants, qui oppose la faible lueur d’une gestualité archaïque, fût-elle religieuse, aux puissants projecteurs rationalistes de la civilisation capitaliste. Les problèmes d’images repérés dans ces œuvres filmiques procèdent donc d’un paradigme historico-esthétique qui fait du passé survivant l’outil privilégié d’une prise de position politique, dont il est possible de tracer l’archéologie, depuis les notions de Nachleben, de Pathosformel et d’Inversion forgées par l’historien de l’art Aby Warburg jusqu’à celle d’« image dialectique » chez Walter Benjamin ; et dont il est possible de retrouver les traces à l’époque, dans des disciplines très variées (la théologie politique de Johann Baptist Metz, qui a fait de la memoria passionis chrétienne une catégorie anti- bourgeoise ; ou encore l’ethnologie du geste élaborée par l’anthropologue Ernesto De Martino, qui devait ouvrir le marxisme à son impensé : l’essentielle dimension réparatrice et socio-culturelle des rites et des images d’origine religieuse).Au confluent de ces deux grandes traditions de l’espérance que sont le christianisme et le communisme, les films analysés dans cette étude mettent en crise le paradigme contemporain de la sécularisation et nous renseignent sur la relance, à l’époque moderne, des grands problèmes anthropologiques qui n’ont cessé d’occuper la pensée humaine : la contestation d’un ordre établi, la fin d’un monde ou d’une civilisation, mais aussi l’énergie morale qui permet de les faire survivre.