Thèse soutenue

Poétique de la danse chez Gluck. : représentation, imitation & expression, une musique européenne au service du geste dans la réforme parisienne (1774-1779).
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Auteur / Autrice : Julie Debellis
Direction : Pierre Saby
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Musique et musicologie
Date : Soutenance le 06/03/2020
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités / IHRIM
Jury : Président / Présidente : Andrea Fabiano
Examinateurs / Examinatrices : Marina Nordera, France Marchal-Ninosque
Rapporteurs / Rapporteuses : Violaine Anger

Mots clés

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Résumé

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La thèse a pour objet la poétique de la danse chez Gluck, et permet de mettre en lumière sa production lyrique de plusieurs points de vue différents. Les oeuvres de Gluck présentent — du XVIIIe siècle à nos jours — des difficultés de mise en scène concernant la danse. Tour à tour tronquée, déplacée, supprimée, la partie de danse n’en finit pas d’interpeller : que danser ? tout danser ? ne rien danser ? Ainsi, son grand oeuvre pose la question de la postérité ou de la non-postérité de la danse ; les opéras de Gluck présentant la particularité d’avoir été remaniés à de nombreuses reprises, et d’accueillir de nouveaux procédés musicaux et dramaturgiques, particulièrement pour le public parisien. Sont étudiées ici les tragédies de la réforme parisienne (1774-1779), à travers trois concepts qui permettent une entrée esthétique et historique dans le champ de la danse : représentation, imitation et expression. Le contexte de l’arrivée de Gluck à Paris est particulièrement instable : la tragédie lyrique est en plein déclin, l’Académie royale de musique est en faillite et voit se succéder les directions, tout en faisant face à l’insubordination des sujets danseurs. Dans ce climat contestataire,Gluck et son collaborateur, Noverre, mettent en place de nouvelles habitudes de création qui redéfinissent la place de l’interprète. Ainsi, nous abordons les oeuvres du Chevalier Gluck sous l’angle du processus de création collective en essayant de comprendre comment s’organise la circulation des idées : Paris est alors un pôle culturel attirant des artistes-vedettes qui partagent leur savoir dans toute l’Europe. L’arrivée de nouveaux interprètes à Paris, concomitamment à Gluck, amène notamment à reconsidérer la pantomime comme qualité noble de la danse. Siècle des idées, éclairé par L’Encyclopédie, le XVIIIe siècle est aussi celui du théâtre, un siècle de l’oeil qui implique une réforme du spectateur. Le contexte des années 1770 est favorable au changement de goût, tout en faisant apparaître un certain conservatisme au regard de l’apparition d’un nouveau style de danse où l’expressivité supplante la virtuosité. En croisant sources, partitions, livrets et écrits des « philosophes de la danse » nous identifions comment Gluck, fort de son expérience viennoise avec Angiolini et la création du ballet-pantomime, intègre la pantomime à ses productions, cela de manière singulière avec des procédés qui ne font pas école à l’opéra : choeur en action, pantomime-dansée. À l’encontre d’un Rameau, dontle parcours de philosophe est bien distinct de celui de compositeur, Gluck ne laisse pas d’écrit théorique mais expérimente différents processus d’intégrations de la danse au fil de ses productions, de manière pragmatique successivement dans : Iphigènie en Aulide, Orphée et Euridice, Alceste, Armide et Iphigènie en Tauride. Le compositeur doit faire face à un public divisé, en particulier concernant le pouvoir imitatif, puis expressif, de la danse. En pleine Querelle des Pantomimes, les détracteurs de la danse feront valoir à plusieurs reprises des arguments vides de sens : la danse ne peut pas être un art imitatif car « il faut avoir une âme, et les danseurs n’ont que des pieds ». Cela n’empêche pas Gluck de mettre en oeuvre une véritable poétique de la danse, avec, musicalement, des divertissements, des ballets, des pantomimes et les choeurs de plus en plus caractérisés, les opéras se présentant alors comme le lieu désigné pour une intégration nouvelle de la danse au drame. Cette poétique de la danse s’appuie sur l’expressivité avec la volonté de bâtir un opéra unifié dramaturgiquement, mais aussi musicalement par l’orchestre, la tonalité, la récurrence des motifs. En cartographiant et en analysant les parties de danse, nous mettons en lumière leurs pluralité et leur spécificités : avec une musique qui parle à l’âme, c’est une véritable esthétique du sensible que développe Gluck par le truchement de la danse.