Thèse soutenue

Mécanismes, bénéfices et plasticité de l'agrégation interspécifique chez les larves de Diptères nécrophages

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Auteur / Autrice : Quentin Fouché
Direction : Damien Charabidzé
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie des organismes
Date : Soutenance le 27/11/2020
Etablissement(s) : Université de Lille (2018-2021)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Biologie-Santé (Lille ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Unité de Taphonomie Médico-Légale (UTML) - Unité de Taphonomie médico-légale et Anatomie - ULR 7367
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Damien Charabidzé, Emmanuel Desouhant, Claire Detrain, Freddie-Jeanne Richard, Christophe Lucas
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuel Desouhant, Claire Detrain

Résumé

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Le rassemblement de plusieurs espèces est courant en milieu naturel. Dans certaines conditions, ces agrégations interspécifiques fournissent des bénéfices supérieurs à ceux de groupes conspécifiques. Chez les mouches nécrophages (Diptera : Calliphoridae),les larves forment sur les cadavres des agrégats pouvant contenir des milliers d’individus de différentes espèces. Ces masses d'asticots facilitent l'exodigestion des tissus cadavériques et génèrent de la chaleur, accélérant la croissance des larves. Comme récemment démontré, de tels avantages pourraient être amplifiés en présence de plusieurs espèces.Ainsi, l'objectif de cette thèse a été d'étudier la valeur adaptative de l'agrégation larvaire interspécifique.Des premières expériences ont porté sur la nature chimique des traces déposées parles larves et leur effet sur différentes espèces. Elles ont démontré que ces traces ont un effet rétentif interspécifique, proportionnel à leur concentration et d'intensité variable selon l'espèce. Cet effet est soutenu par l'acide décanoïque, un composé chimique partagé entre les espèces. Ces résultats confirment l'existence de comportements d'agrégation interspécifique chez les larves et précisent pour la première fois les mécanismes en jeu.Dans un second temps, les coûts et bénéfices de l'agrégation entre Lucilia sericata et Calliphora vicina, deux espèces de mouches communes sur les cadavres, ont été étudiés.Le développement de larves a été suivi sur un milieu de bonne ou mauvaise qualité (viande fraîche ou décomposée). Les résultats ont montré que la présence d'une autre espèce peut générer des bénéfices lorsque les larves font face à des conditions défavorables.Enfin, la plasticité de l'agrégation a été analysée en observant les choix de larves face à des ressources de qualité différente. En groupe conspécifique de forte densité, les larves se sont agrégées majoritairement sur la nourriture optimale (viande fraîche). En revanche, en groupe hétérospécifique, les larves ont choisi la ressource sous-optimale(viande décomposée). Si cette inversion des préférences paraît contre-intuitive, elle pourrait se révéler bénéfique en milieu naturel, notamment lorsque la compétition est forte ou lorsque la diversité spécifique est élevée.Dans leur ensemble, les résultats de cette thèse confirment que l'agrégation interspécifique des larves de Diptères Calliphoridés peut constituer une adaptation efficace aux contraintes de l'écosystème cadavérique. En facilitant l'exodigestion et en modulant la flore microbienne des cadavres, l'agrégation larvaire modifie en effet les pressions de sélection. Selon la théorie de la construction de niche, ces bénéfices pourraient avoir favorisé la sélection des comportements d'agrégation entre espèces et leur coévolution.