Association de l'infection chronique à Toxoplasma gondii avec la schizophrénie : étude épidémiologique et rôle potentiel de l'activation de la voie des kynurénines dans le système nerveux central de l'hôte infecté
Auteur / Autrice : | Mohamed Kezai |
Direction : | Sabrina Marion, Mustapha Bounechada |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biologie des organismes |
Date : | Soutenance le 03/11/2020 |
Etablissement(s) : | Université de Lille (2018-2021) en cotutelle avec Université Ferhat Abbas (Sétif, Algérie) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Biologie-Santé (Lille ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Center for Infection and Immunity of Lille - Centre d’Infection et d’Immunité de Lille - INSERM U 1019 - UMR 9017 - UMR 8204 |
Jury : | Président / Présidente : Abdelhalim Khanchouche |
Examinateurs / Examinatrices : Sabrina Marion, Mustapha Bounechada, Abdelhalim Khanchouche, Odile Poulain-Godefroy, Bilal Yahiaoui, Delphine Allorge | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Odile Poulain-Godefroy, Bilal Yahiaoui |
Résumé
La toxoplasmose est une maladie zoonotique causée par le parasite Toxoplasma gondii, un protozoaire qui traverse la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le système nerveux central (SNC) où il infecte plusieurs types cellulaires notamment les astrocytes, les neurones et les microglies. Ce parasite intracellulaire obligatoire ne persiste sous forme de kystes qu’au sein des neurones aboutissant à une infection chronique pouvant durer toute la vie de l’hôte infecté. La toxoplasmose latente cérébrale est accompagnée par une augmentation de la concentration en dopamine et glutamate et d’une inflammation chronique de bas grade, notamment causée par une activation des microglies et des astrocytes. La schizophrénie est une maladie mentale touchant 1% de la population mondiale caractérisée par le développement de graves troubles cognitifs et psychiatriques. Cette maladie qui s’établit à l’adolescence est corrélée à une inflammation chronique du SNC et à l’activation de la voie des kynurénines (KP) dans les astrocytes activés. L’activation de la voie KP résulte en la production de l’acide kynurénine (KYNA) par les astrocytes, un métabolite neuroactif qui altère les fonctions neuronales à forte concentration. Nous nous sommes intéressés au cours de cette thèse au lien pouvant exister entre la toxoplasmose et la schizophrénie. En particulier, nous avons exploré si l’infection latente par T. gondii active la voie KP et la production de métabolites neuroactifs comme le KYNA ou l’acide quinoléique. D’une part, une première étude épidémiologique menée sur un échantillon de la population algérienne à forte prévalence pour la toxoplasmose indique une association significative entre la schizophrénie et le statut infectieux avec une séroprévalence de 70% chez les patients atteints de schizophrénie contre 52,9% chez les témoins et un odds ratio (OR) calculé de 2,081. Cette association est plus prononcée chez les sujets de moins de 38 ans (OR= 2.715), suggérant que l'infection par le parasite T. gondii pourrait favoriser l'apparition de la schizophrénie. D’autre part, notre étude menée à l’institut pasteur de Lille a montré que l’infection chronique à long terme (6 mois) de souris C57BL/6 par des souches de type II induit un environnement inflammatoire dans le SNC caractérisé par la production de cytokines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires et de manière importante, induit l’activation de la voie KP. Par ailleurs, après utilisation d’une autre souche parasitaire de type II moins virulente, nos résultats ne semblent pas montrer de corrélation directe entre le niveau d’inflammation et le niveau d’activation de la voie KP, suggérant une action directe de l’infection, qui pourrait être liée à l’activation des astrocytes et microglies par le parasite. Nos résultats obtenus in vitro sur des cultures d’astrocytes primaires ont confirmé nos précédents résultats obtenus dans le SNC de souris chroniquement infectées. En effet, l’infection par une souche de type II induit une forte activation des astrocytes caractérisée par l’augmentation de l’expression des molécules du CMH-I, le recrutement de la protéine GFAP autour de la vacuole parasitaire et la production de cytokines pro- et anti-inflammatoires. En outre l’infection des astrocytes induit l’activation de la voie des KP mise en évidence par l’expression des enzymes IDO-1, IDO-2 et KATII. De manière intéressante, nos résultats suggèrent que le parasite diminue l’activation des astrocytes, probablement via des facteurs parasitaires secrétés. Notre étude révèle donc que l’infection chronique par le parasite T. gondii module l’activité astrocytaire ainsi que l’activation de la voie des kynurénines, un mécanisme qui pourrait potentiellement favoriser l’apparition ou le développement des troubles cognitifs observés chez les patients schizophrènes.