Des "crimes de mode de vie" en Asie centrale (1921-1935) : poursuivre les traditions devant les cours populaires soviétiques
Auteur / Autrice : | Aude-Cécile Monnot |
Direction : | Jakob Vogel, Juliette Cadiot |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 04/12/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, Institut d'études politiques |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de Sciences Po (Paris ; 1995-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'histoire de Sciences Po (Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Sabine Dullin |
Examinateurs / Examinatrices : Jakob Vogel, Juliette Cadiot, Douglas Taylor Northrop, Isabelle Ohayon, Tatiana Borisova | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Douglas Taylor Northrop, Isabelle Ohayon |
Mots clés
Résumé
En 1924, une catégorie pénale, les « crimes du quotidien », est introduite dans le droit soviétique en Asie centrale pour lutter contre des pratiques coutumières et religieuses dites incompatibles avec la modernité socialiste révolutionnaire. Par-delà l’impératif de modernisation, l’objectif est aussi politique. Il faut défaire l’autorité morale d’élites centrasiatiques considérées hostiles au pouvoir soviétique. Les « crimes du quotidien » traduisent en creux l’ambivalence entre le discours révolutionnaire anti-impérialiste et les exigences politiques de la construction du pouvoir en Asie centrale. Cette recherche interroge la genèse de cette catégorie pénale et le rôle du droit pénal et de la justice en Union soviétique. Les débats soulevés lors du processus de codification des « crimes du quotidien » montrent la résistance de catégories évolutionnistes et juridiques héritées de l’Empire dans la doctrine pénale révolutionnaire. L’analyse des archives des cours populaires, juridictions de première instance, met en lumière la fonction de proximité du juge, médiateur du droit soviétique, en charge d’expliquer et de promouvoir la judiciarisation de pratiques coutumières à ses pairs. Lors de campagnes judiciaires, le juge populaire joue un rôle de surveillance tout en conservant une capacité d’agir propre à entraver, voire à détourner les dynamiques locales de répression par son interprétation des affaires. In fine, cette recherche souligne les effets d’invisibilisation de la répression pénale des « crimes du quotidien » : les pratiques perdurent sous des formes hybrides échappant au contrôle des autorités.