Thèse soutenue

Inventer Gramsci au XXe siècle : décomposition d’une intelligence française au prisme italien

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Auteur / Autrice : Anthony Crezegut
Direction : Marc Lazar
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 09/12/2020
Etablissement(s) : Paris, Institut d'études politiques
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de Sciences Po (Paris ; 1995-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire de Sciences Po (Paris) - Centre d'histoire de Sciences Po
Jury : Président / Présidente : François Dosse
Examinateurs / Examinatrices : Marc Lazar, Romain Descendre, Jean-Numa Ducange, Frédérique Matonti, Maria Grazia Meriggi
Rapporteurs / Rapporteuses : Romain Descendre, Jean-Numa Ducange

Résumé

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La réception de Gramsci en France au XX ème part de fondements (1) « imaginaires », elle est élaborée dans un contexte de méconnaissance des textes originaux, de mythologies et légendes circulant déjà dès les années 1920-1930. Les lenteurs, obstacles voire censures éditoriales ont facilité les circulations clandestines et appropriations sauvages, les lectures médiatisées par des grilles interprétatives sélectives, mais aussi les détournements endogènes au contexte français dans les années 1950 et 1960. (2) Ce fut une « construction symbolique » souvent après mai 1968 mais déjà avant. Les usages de la référence gramscienne portent sur des enjeux propres aux jeux singuliers des acteurs intellectuels français, dans leurs champs respectifs tant académiques que politiques, visant aussi à affirmer le rôle polymorphe de l’intellectuel dans l’espace public. Il s’agit ici en particulier par l’invention de concepts, souvent en décalage philologique avec le texte originel, à la suite de traductions partielles : appareil idéologique d’Etat (Althusser puis Foucault, Derrida, Deleuze, la dite « French Theory »), bloc historique (Garaudy puis Mitterrand), intellectuel collectif (Desanti puis Bourdieu) entre autres, dont l’âge d’or fut les années 1970 au cœur de l’union de la gauche. (3) Enfin la « réalité » de l’empreinte gramscienne s’est révélée limitée : faible contact avec les « classes subalternes » et absence de réception organique dans les syndicats et partis de gauche, absence de disciplinarisation universitaire, changement de paradigme intellectuel dans les années 1970-1980, détournement pirate de la part de la « Nouvelle Droite » mais aussi mutations de l’espace public parisien rendant son accueil en France finalement précaire et compromis. Cela conduit paradoxalement à une réception plus créative, diffuse et enracinée dans une vaste francophonie au cours des années 1980-1990, mais aussi dans les régions françaises ou territoires ultra-marins, que dans l’espace français et surtout parisien où sa circulation fut à la fois intense mais codée, diffuse ainsi que superficielle.