Thèse soutenue

Retour à la terre des pères : sentiment d'appartenance et quete des origines (Giuseppe Ungaretti et Alberto Savinio)

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Auteur / Autrice : Giulia Ferri
Direction : Enzo NeppiFrancesca Bernardini Napoletano
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Etudes italiennes
Date : Soutenance le 09/11/2020
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes en cotutelle avec Università degli studi La Sapienza (Rome)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire universitaire histoire cultures Italie Europe (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Pierre Girard
Examinateurs / Examinatrices : Enzo Neppi, Massimo Lucarelli, Tommaso Pomilio
Rapporteurs / Rapporteuses : Paola Italia, Manuela Bertone

Résumé

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Dans l’Italie de la première moitié du XXème siècle, le thème du sentiment d’appartenance nationale est central dans le débat politique et culturel : on passe des discussions post-unitaires au sujet de l’identité nationale, au patriotisme des interventionnistes, au nationalisme de l’après Ière guerre mondiale, à celui des fascistes. Parmi les intellectuels italiens de cette époque-là, beaucoup ont une double origine : leur famille est italienne et pourtant ils sont nés et ils ont grandi à l’étranger. Leur appartenance à la patrie n’est pas automatique. On s’est demandé dans quelle manière leur besoin d’identité se met en relation avec les tensions qui traversent le Pays, à quel niveau ils sont impliqués dans les événements politiques de ces années-là et s’il est possible de retrouver chez eux des analogies liées à leurs origines multiculturelles. En novembre 1927 on publique une interview d’Alberto Savinio dans le journal parisien « Comœdia ». Il critique l’art italienne et affirme être à Paris parce que l’ouverture mentale du peuple français favorise le développement artistique. En plein fascisme ces déclarations heurtent beaucoup d’intellectuels italiens, qui l’accusent de ne pas aimer sa patrie. On lui interdit de participer à la vie culturelle nationale pendant quelques années. Giuseppe Ungaretti prend sa défense, tout en ayant déclaré son fascisme et bien que ses relations avec Savinio ne soient pas très intimes. Ils se connaissent à Paris au début des années 1910, étant tous les deux en contact avec Soffici et son entourage, et surtout avec Apollinaire, qui est un point de repère fondamental : il est leur guide artistique, mais aussi quelqu’un qui partage leur statut de déracinés, en tant que français d’adoption. Son enrôlement dans l’armée française est donc très significatif à leurs yeux. Les contacts entre Savinio et Ungaretti se poursuivent tout au long du décennie, et ils collaborent aux projets des revues « La Vraie Italie » et « Commerce », dont l’objectif est de mieux faire connaître la réalité artistique italienne en France. À partir de 1925, les rapports entre les deux se tendent, aussi à cause d’un climat de méfiance général, mais l’affaire « Comœdia » nous montre que chez eux la conception supranationale de culture surmonte les problèmes personnels. Toutefois ils semblent souvent contredire cette idée, en soulignant à maintes reprises la supériorité de l’Italie par rapport aux autres Pays et en manifestant un nationalisme croissant, qui atteint le sommet par l’adhésion au fascisme. Ils participent à la Ière guerre mondiale afin d’affirmer leur appartenance à la nation italienne, mais c’est surtout à partir des années suivantes qu’ils manifestent leur patriotisme, en exaltant les combattants, en critiquant les accords de paix défavorables pour l’Italie, en affirmant l’idée d’une primauté intellectuelle de l’Italie. L’appui au fascisme en est la conséquence. Pendant le « Ventennio » Savinio et Ungaretti écrivent plusieurs articles dans des revues solidaires de Mussolini, où ils utilisent les topoi rhétoriques de ces années-là. C’est le point extrême de leur quête d’italianité : l’affirmation identitaire dépasse l’individualité et se situe dans la dimension collective de l’« État ». La IIème guerre mondiale, étant considérée une folie, détermine un changement d’avis à propos du régime. Ungaretti et Savinio partagent l’idée que le fascisme ait trahi ses principes. La grandeur de l’Italie devait agir dans un horizon universel et non pas enfermé. Ils pensent que pour une renaissance collective il faut se dépasser des égotismes nationaux et revenir à l’esprit chrétien de l’Europe. Le besoin d’une identité italienne passe donc au deuxième plan par rapport à la nécessité d’une identité européenne.