Le riz et l'argent : manifestations du changement social dans la Cordillère philippine
Auteur / Autrice : | Pierre Mettra |
Direction : | Giorgio Blundo |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et historique |
Date : | Soutenance le 11/12/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Xavier Huetz de Lemps |
Examinateurs / Examinatrices : Xavier Huetz de Lemps, Pierre-Yves Le Meur, Romain Bertrand, Laurent Dousset, Arundhati Virmani | |
Rapporteur / Rapporteuse : Pierre-Yves Le Meur, Romain Bertrand |
Mots clés
Résumé
La province Ifugao, dans la Cordillère des Philippines, est le théâtre d’affrontements symboliques qui apparaissent avec netteté lorsqu’on s’y intéresse à la riziculture. Des appartenances sociales centrées jusqu’à récemment sur la production et la circulation locale de riz se tournent désormais vers un autre vecteur de valeur, l’argent. La thèse explore ce déplacement, en proposant une ethnographie du changement social qui donne la place aux initiatives individuelles, aux débats et aux actions quotidiennes des membres d’une société Ifugao qui ne sont pas uniquement les témoins passifs de bouleversements mondiaux. Le texte explore ce qui est défini comme une incertitude des acteurs sur ce qu’est leur société et sur la manière dont elle peut se reproduire en un temps de mutations rapides des normes sociales Cette enquête sur les normes, et la façon dont elles s’appliquent ou sont sujettes à des remaniements, est étroitement connectée à un travail empirique de terrain. Celui-ci se concentre en particulier sur la question des valeurs d’échange : les variétés locales de riz Ifugao, désignées par le terme générique de tinawon, sont dédiées par excellence aux échanges interpersonnels qui entretiennent les redevabilités Ifugao, nourrissant des cycles de dettes, de dons et de contre-dons qui cimentent les relations. Ce rôle leur est cependant disputé par l’argent, pure valeur d’échange que l’analyse ne présente pas dans un rôle destructeur et anti-culturel, mais au contraire comme profondément socialisé et inondé de représentations pérennes autrefois attachées au riz. Ce déplacement de la valeur, symptôme de l’incertitude des normes, révèle l’architecture du changement social en Ifugao.Cependant, ces dynamiques ne peuvent être comprises sans en envisager l’aspect profondément politique, ce dans une continuité temporelle qui dépasse les frontières immédiates du contemporain. La partie centrale de la thèse est ainsi dédiée à une étude historique, reposant sur un travail d’archives, qui envisage la genèse du nationalisme philippin et met en perspective la narration que celui-ci a construit avec l’histoire de l’inclusion de la Cordillère dans un archipel devant sa naissance comme unité politique à des volontés coloniales. Cette approche permet d’éviter l’écueil localiste qui consisterait à ne considérer la province Ifugao que comme un « ici et maintenant » compréhensible isolément.Une égale prudence pousse à envisager les rapports de pouvoir dans la province contemporaine d’Ifugao par une enquête qui en dépasse les frontières. La question des échelles politiques est ainsi au cœur de la dernière partie du texte, dans laquelle l’analyse tente de montrer combien la formation quotidienne de la gouvernance est liée à des phénomènes transversaux qui impliquent des espaces physiques ou idéologiques variés, de la municipalité aux réseaux internationaux de l’immigration philippine.