Thèse soutenue

Stratégies politiques et identitaires d'une mise en tourisme : l'exemple de Lijiang (Yunnan- Chine)
FR  |  
EN
Accès à la thèse
Auteur / Autrice : Frédérique Guyader
Direction : Irène Bellier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 17/12/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Isabelle Thireau
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Thireau, Isabelle Charleux, Saskia Cousin, Gilles Guiheux, Benjamin Taunay

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

Située à 2400 m d’altitude, au Nord-Ouest de la province orientale du Yunnan, la ville de Lijiang se trouve à la limite du plateau tibétain. À la suite du tremblement de terre de 1996 et à l'inscription de la partie ancienne de Lijiang au Patrimoine mondial de l'UNESCO, le tourisme ethnique s’est construit autour de Lijiang, « la ville où vivent les Naxi ». Cette appellation désignait à l’époque une réalité démographique. Majoritaires en 1990, les Naxi représentent en 2012, 19,33% de la population lijiangaise. Le développement de l'industrie touristique et ses profits potentiels ont occasionné au fil des années une forte migration de personnes issues d'autres groupes minoritaires et de nombreux Han, désormais majoritaires à Lijiang. La politique d'ouverture initiée par la Chine à partir de 1980 a favorisé l'émergence d'un tourisme culturel et l'inscription de la vieille ville de Lijiang au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996 a accéléré la mise en place d'une politique culturelle et la fréquentation touristique exponentielle jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement à ses mesures, la réaffirmation d’un état chinois multinational dans les années 1980, avec la création des minorités qui a induit un rapport de domination avec les Han. Cela a favorisé l'ancrage d'une vision hiérarchisée des populations annexées au cours des siècles au sein de représentations communément partagées. Ces dernières sont également présentes dans les discours officiels et les différentes mises en scène de la culture locale. Dans le cadre de sa mise en scène, la culture naxi a peu à peu été remaniée, remodelée à la fois par les acteurs nationaux et locaux. La question centrale de la gouvernance concerne entre autres les enjeux économiques et culturels (qui bénéficient des recettes du tourisme ? Est-ce les populations locales ou des investisseurs nationaux, étrangers ? qui sont les acteurs de la préservation des ressources culturelles ?). En séjournant à Lijiang et ses alentours, j'ai observé différents niveaux de mise en tourisme : Lijiang, épicentre du tourisme, Shuhe, l'un de ses villages connexes, et dans la région de Baoshan, économiquement pauvre et sans développement touristique majeur. L’étude comparative sur ces trois sites connaissant un développement touristique différent avait pour but d'appréhender le rôle structurant du tourisme sur la culture naxi. Extraites d'éléments de la culture des Naxi, leurs mises en scène cherchent à moderniser cette culture et le tourisme apparaît comme le principal vecteur pour y arriver. Ces faits constituent un élément hiérarchisant partagé par les Naxi, car la distinction ruralité/urbanité devient l’écho d’une dualité « arriéré » /moderne. Lijiang étant l’épicentre de la modernisation, plus on s’en éloigne, et plus la qualification « arriérée » apparaît. La spectacularisation de la culture des Naxi montre également une logique qui intègre les valeurs internationales (Unesco, Icomos) et résume la culture locale à des pratiques publiques éloignées de la sphère privée. La mise en scène de Lijiang qui associe préservation et marchandisation est créée par le gouvernement national et les Naxi. Ces derniers, qui vivent essentiellement de l'industrie touristique et de ses retombées économiques, sont également les acteurs de la métamorphose identitaire. Ils œuvrent pour faire connaître à travers le monde leur ville et leur culture. Cette mise en lumière leur octroie une marge de manœuvre relative dans la mise en place de mesures pour protéger leur culture. Plus concrètement, cela leur permet d’acquérir le soutien de la reconnaissance internationale dans leurs négociations avec les instances gouvernementales et, en même temps, de s’enorgueillir d’une culture officiellement préservée tout en étant au service de l’industrie.