Thèse soutenue

Vichy et les Algériens : indigènes civils musulmans algériens en France métropolitaine (1939-1944)

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Auteur / Autrice : Aliénor Cadiot
Direction : Nancy L. Green
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 15/12/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Sylvie Thénault
Examinateurs / Examinatrices : Sylvie Thénault, Éric Thomas Jennings, Ethan B. Katz, Marc-Olivier Baruch, Emmanuel Blanchard, Thomas Hippler
Rapporteur / Rapporteuse : Éric Thomas Jennings, Ethan B. Katz

Résumé

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La présence en métropole de dizaines de milliers d’Algériens entre 1939 et 1944 est un fait connu mais qui n’a pas été étudié avec précision, ni par l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale, ni par celle du fait colonial français. A priori considérée comme statique, l’immigration algérienne est en réalité un phénomène dynamique. En effet entre 1939 et 1942, trois vagues migratoires eurent lieu entre les deux rives de la Méditerranée. L’Algérie est à la veille de la guerre un territoire travaillé par des forces politiques puissantes et opposées, allant de l’indépendantisme à l’assimilationnisme. A la fin de l’année 1939 et au début de l’année 1940, la Troisième République met en place un recrutement en Algérie pour les besoins de l’économie de guerre, dans le cadre d’un recrutement plus large dans différentes colonies. Dans ce contexte, l’installation du régime de Vichy en Algérie est un phénomène complexe, qu’il serait artificiel de séparer de la métropole. En parallèle des questions relatives à la main-d’œuvre, une intense surveillance des populations estampillées « nord-africaines », dans leur immense majorité, algériennes, est organisée : le régime de Vichy met en effet en place un service secret dont le but est de surveiller la propagation de la propagande nazie sur les deux rives de la Méditerranée (le Service des affaires algériennes, SAA). Ce service est créé à Marseille, point nodal de toutes les questions touchant à l’Algérie pendant les années de guerre : en effet, au delà du SAA, les services de la main-d’œuvre nord-africaine (MONA) de tout le territoire sont également largement chapeautés par celui de Marseille, qui a en charge la gestion du flux migratoire à travers la Méditerranée. Car juste après l’armistice, le tout nouveau régime de Vichy initie un rapatriement des Algériens vers l’Algérie, qui s’intensifie de l’été 1940 au début de l’année 1941, notamment dans l’espoir de réduire le chômage en métropole. Puis, à l’inverse, à partir de l’année 1942, dans le contexte plus large de la mise au travail de l’Europe par l’Allemagne, un nouveau recrutement pour la métropole est organisé en Algérie, alors que de nombreux Algériens tentent de fuir des formes de travail qui ne leur conviennent pas. Ce recrutement est particulièrement intense pour le secteur minier. En zone occupée, c’est sur Paris que se concentrent les efforts de surveillance : la ville est particulièrement suspecte. En effet, alors que les institutions parisiennes dédiées à l’administration des « Nord-Africains » dans la région sont aux prises avec les conditions de l’occupation, un certain nombre d’Algériens sont en contact à la fois avec les partis collaborationnistes et avec les autorités d’occupation, que ce soit pour des raisons politiques ou commerciales. Après le débarquement en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et l’invasion de la zone sud trois jours après, alors que l’entièreté du territoire métropolitain est occupée et que l’Algérie est passée aux mains des Alliés, l’État français s’emploie à refondre les services métropolitains en charge de l’administration des « Nord-Africains », inventant de fait un nouveau contenu au syntagme. Jusqu’aux derniers jours de l’occupation, cette administration fera en sorte de s’accorder la « loyauté » des « Nord-Africains » à l’Empire et à la France.