Thèse soutenue

Retours à Ouagadougou des étudiants burkinabè de Côte d'Ivoire : projet migratoire et stratégies d’inscription sociale

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Jérémie Pogorowa
Direction : Jean-Bernard Ouedraogo
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 23/11/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Ma Mung
Examinateurs / Examinatrices : Emmanuel Ma Mung, Gabin Korbéogo, Jacinthe Mazzocchetti, Richard Banégas, Lama Kabbanji
Rapporteurs / Rapporteuses : Gabin Korbéogo, Jacinthe Mazzocchetti

Résumé

FR  |  
EN

Ces dernières années, la vague de retours au pays d’origine des descendants de migrants burkinabè nés et/ou ayant passé une grande partie de leur enfance en Côte d’Ivoire s’est intensifiée, notamment en ce qui concerne les jeunes scolaires et les étudiants. Dans le contexte burkinabè, le vocable « diaspo » est utilisé pour les désigner. Cette recherche porte sur la situation de ce groupe de jeunes burkinabè venus de Côte d’Ivoire, pour poursuivre leurs études supérieures au Burkina Faso. Ils appartiennent le plus souvent à la deuxième et à la troisième génération de migrants burkinabè en Côte d’Ivoire. Ce travail analyse leurs trajectoires sociales et scolaires, en essayant de montrer comment leurs itinéraires sont divers, non linéaires et multidirectionnels. L’histoire de chaque retour met en scène, à travers l’étudiant « diaspo », une multiplicité de sphères (familiale, économique, universitaire) et de logiques migratoires. L’étude vise à faire ressortir ces logiques qui structurent les parcours des descendants de migrants, en regard de l’histoire migratoire de leurs parents, primo-migrants. Dans la mesure où l’acte de retour implique plusieurs acteurs et, en premier lieu, la famille, la décision du retour au pays d’origine apparaît comme un processus à long terme, qui peut se faire sous l’injonction des parents, sur les conseils d’une personne extérieure à la famille, par l’influence des pairs, etc. C’est dans ce contexte que le rôle de l’étudiant « diaspo » devra être analysé.Le contact avec le pays d’origine situe les « diaspo » dans un rapport inégalitaire avec ceux qu’ils viennent trouver « sur place », c’est-à-dire « les premiers occupants », en particulier leurs pairs nés et restés au pays. Cette rencontre fait apparaître des distinctions entre les Burkinabè de « l’intérieur » et ceux (re)venus de « l’extérieur ». Les descendants de migrants burkinabè subissent le paradoxe d’une société burkinabè qui développe en eux le sentiment d’être étrangers à la fois dans leur pays de naissance (Côte d’Ivoire) et dans leur pays d’origine (Burkina Faso).Face à cette situation, ces jeunes développent des logiques de distinctions (individuelles et/ou collectives) et d’affirmation de soi, par lesquelles ils parviennent à prendre le contrôle de leurs réseaux d’appartenance et à se rendre visibles dans les espaces universitaires (cité, campus, restaurants) et dans le monde social ouagalais. Ce sont des réseaux multiformes, allant des syndicats étudiants aux partis politiques et autres organisations de la « société civile burkinabè », en passant par les associations étudiantes et religieuses. Ces espaces de rencontre sont des lieux d’entraide et de solidarité et ouvrent à diverses formes de rétributions symboliques et matérielles attendues. L’investissement dans l’univers de la débrouille, en plus d’être un moyen de survie et d’autonomisation, introduit les « diaspo » dans l’apprentissage des rapports sociaux au Burkina, dans une dynamique d’insertion sociale par le bas. Ces pratiques expriment un besoin de reconnaissance de soi et de son expérience migratoire. Le projet migratoire, qui se décline alors en plusieurs facettes, en plus des études, est sans cesse soumis à des réajustements au long du parcours en fonction des contextes.