Dire et faire communauté en diaspora : le cas de l'immigration yéménite en Angleterre (1950-2015)
Auteur / Autrice : | Mohammed Sharqawi |
Direction : | Blandine Destremau |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 20/11/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Franck Mermier |
Examinateurs / Examinatrices : Franck Mermier, Stéphane Dufoix, Vincent Latour, Nancy L. Green, Danièle Joly | |
Rapporteur / Rapporteuse : Stéphane Dufoix, Vincent Latour |
Mots clés
Résumé
Cette thèse a pour objet la compréhension des mécanismes de construction communautaire au sein de la diaspora yéménite d’Angleterre. Elle couvre une période qui débute dans les années 1950, avec l’immigration d’ouvriers yéménites employés dans l’industrie anglaise. Elle s’arrête au début de l’année 2015, juste avant que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis ne déclenchent contre le Yémen la guerre appelée « tempête décisive ».En menant une enquête de terrain dans les principaux foyers d’installation de l’immigration yéménite en Angleterre, à savoir Birmingham, Sheffield et dans une moindre mesure Londres, je me suis intéressé aux processus d'identification des individus et des groupes rencontrés, à ce qu’ils définissent comme communauté yéménite en Angleterre. J'interroge donc le concept de « communauté » à partir d’un cas à la fois peu exploré par la production scientifique contemporaine, et singulier par la grande pluralité des appropriations et des définitions qu'il recouvre.Faisant partie des premiers mouvements migratoires provenant des pays du Sud à s’installer au Royaume-Uni, la diaspora yéménite est pourtant absente des statistiques ethniques. Ses membres sont conscients de l’invisibilité de leur groupe dans l’espace public anglais. Sans représentation officielle, le « dire et faire communauté » répond donc à un enjeu de construction d’une identité unitaire et de la défense d’intérêts communs. D’une part, l’affirmation d’une appartenance au Yémen contribue à la production de discours et de pratiques relatifs à la représentation qu’ont les Yéménites de leur groupe en Angleterre. D’autre part, la communauté prend corps par l’institution d’associations culturelles et de services. Leurs dirigeants, tout comme des cadres politiques yéménites, tentent d’imposer aux Yéménites de la diaspora leur propre conception de ce que doit être la communauté yéménite en Angleterre. Ce pouvoir s’appuie tantôt sur la préservation de la communauté yéménite contre l’intrusion des valeurs britanniques, tantôt sur la remise en question de l’unicité de cette communauté.En effet, le contexte politique yéménite détermine toujours les relations au sein de ces groupes migratoires. L’actualité politique du Yémen reste brûlante depuis l’indépendance du Sud et la chute de l’imamat au Nord dans les années 1960 : elle est traversée par plusieurs conflits armés entre le Nord et le Sud et des épisodes répétés de guerres civiles. Ces conflits mettent à l’épreuve les relations entre les Yéménites d’Angleterre, réactivent constamment les enjeux politiques et produisent des rapports de force fluctuant entre groupes nordistes et sudistes de la diaspora. Ils contribuent à reconfigurer le récit autour de l’unité de la communauté yéménite et le remettent en question, en conduisant les personnes à redéfinir leurs appartenances et leurs perceptions de soi. Ils transforment aussi les pratiques transnationales politiques de solidarité en direction du Yémen.Ma thèse démontre que les processus de construction d’une appartenance yéménite en Angleterre sont travaillés par des contextes sociohistoriques dynamiques et intriqués britannique, yéménite et diasporique. Ces contextes vont en permanence restructurer la communauté et conduire à réactualiser les relations de la diaspora à son pays d’origine sur le temps long de l’immigration.