Thèse soutenue

Artistes femmes, queer et autochtones face à leur(s) image(s) : pour une histoire intersectionnelle et décoloniale des arts contemporains autochtones aux Etats-Unis et au Canada (1969-2019)

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Auteur / Autrice : Aurélie Journée
Direction : Marie MauzéMichel Poivert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 12/10/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Elvan Zabunyan
Examinateurs / Examinatrices : Elvan Zabunyan, Jules Falquet, Marine Le Puloch, Brigitte Derlon
Rapporteurs / Rapporteuses : Jules Falquet, Marine Le Puloch

Résumé

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Fin des années 1960 aux Etats-Unis, les Indians of All Tribes impulsent un mouvement de contestations sociales qui a pour but la reconnaissance des droits inhérents aux peuples autochtones à la souveraineté et à l'auto-détermination. L'American Indian Movement et sa branche féminine Women of All Red Nations s'emparent de ces questions sociales, politiques et culturelles. Femmes et hommes entament de concert un processus d'émancipation dont l'accomplissement ne cesse d'être repoussé par les politiques assimilatrices successives du gouvernement états-unien. Au Canada aussi, des mobilisations collectives éclatent dans les années 1980 et 1990, et culminent avec les événements de Restigouche (1984) et la Crise d'Oka (1990). Ces évènements majeurs inspirent toute une jeune génération d'artistes autochtones et de femmes en particulier, formées notamment à l'Institute of American Indian Arts à Santa Fe (Nouveau-Mexique). De formations universitaires approfondies, elles développent des démarches artistiques transdisciplinaires à mi-chemin entre l'histoire de l'art et l'ethnographie. Elles mettent en évidence la porosité et la friabilité des frontières instaurées dans tous les secteurs par la société dominante contre les groupes considérés comme minoritaires. A cette fin, le photographique – par lequel nous désignons la pratique, la technique et l'image photographiques – devient un outil stratégique majeur de réappropriation et de réaffirmation de ce qu'elles sont et tendent à incarner. Ces artistes femmes interrogent grâce à ce médium les façons dont elles ont été représentées et se représentent elles-mêmes dans le cadre de démarches critiques des stéréotypes dont elles font l'objet depuis plusieurs siècles d'appropriation culturelle. Elles repensent par ce biais leurs identités, les rapports qu'elles entretiennent à leurs corps, à leurs sexualités et à leurs genres, à l'aune de leurs propres spiritualités. Grâce à leurs images artistiques et politiques, fruits de pratiques fondées sur une analogie entre la violation de leurs droits, l'exploitation de leurs terres et territoires, et les violences sexuelles dont elles font l'objet, elles continuent à prendre part aux mouvements de résistance actuels qui s'opposent aux projets extractivistes face auxquels elles s'affirment, une nouvelle fois, en première ligne. A partir d'un corpus iconographique de près de 400 œuvres réalisées entre 1969 et 2019, et d'entretiens individuels avec des artistes et des militantes femmes et queer autochtones des Etats-Unis et du Canada, cette thèse a pour objectif de montrer en quoi ces images – en particulier photographiques configurent des épistémologies nouvelles dans une perspective intersectionnelle, décoloniale et anticapitaliste, et s'inscrivent dans la continuité d'un processus de réaffirmation des droits inhérents des peuples autochtones, garantis par la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (2007).