La fabrique des in/capables : ethnographie de l’accompagnement en institution spécialisée pour adolescent-es désigné-es autistes
Auteur / Autrice : | Adrien Primerano |
Direction : | Marc Bessin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 02/06/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Florence Weber |
Examinateurs / Examinatrices : Florence Weber, Romuald Bodin, Martine Court, Aurélie Damamme, Jean-Pierre Tabin, Isabelle Ville | |
Rapporteur / Rapporteuse : Romuald Bodin, Martine Court |
Mots clés
Résumé
Les Instituts Médico-Éducatifs (IME) constituent l’une des principales modalités d’accueil des enfants et adolescent-es dit-es handicapé-es en France, malgré des mesures étatiques en faveur de l’école inclusive. En documentant l’accompagnement mis en place par les différent-es professionnel-les, et en particulier les éducateur-trices spécialisé-es, cette thèse propose de questionner la tension entre le maintien d’un espace d’entre-soi handicapé et la recherche de normalité. Ce travail explore la manière dont se fabriquent les figures de l’individu capable et incapable, selon des modalités qui relèvent d’un idéal capacitiste, soit une structure qui hiérarchise, normalise et exclut certaines formes et fonctionnalités corporelles (Masson, 2013). Ainsi, la promotion de la « capacité » par les professionnel-les produit un tri au sein des individus accompagnés entre capables et incapables, par le biais d’un processus de normalisation s’appuyant sur l’adolescence ou l’identité sexuée jugées normales, ainsi que l’image valorisée d’un individu autonome et possédant un travail productif. Cette thèse repose sur trois monographies d’IME, pour lesquelles ont été réalisées des observations régulières, des entretiens avec des professionnel-es, et l’analyse des documents institutionnels. Elle montre que les IME sont des institutions qui tendent à monopoliser la totalité de la prise en charge des personnes qu’elles accueillent, et à se présenter comme la seule instance légitime pour le faire. Le handicap est érigé comme une normalité institutionnelle au sein de l’IME, comme une structure dans laquelle des activités éducatives sont possibles, afin de faire acquérir des capacités aux personnes présentes. Dès lors, l’« handicapé-e normal-e » est celui ou celle qui est susceptible de s’engager dans un processus de normalisation, impliquant à la fois des comportements particuliers individualisés et de nombreuses injonctions à performer son genre ainsi que sa classe d’âge (l’adolescence). Les professionnel-les effectuent un tri entre les personnes jugées capables et incapables : tout d’abord, un accompagnement différencié est mis en place, à partir d’une suppléance de l’individu (registre du « faire pour ») ou alors d’une aide pour réaliser soi-même une tâche (registre du « faire avec »). De plus, les plus capables sont inscrit-es dans des collectifs, visant à construire une identité commune, alors que les incapables voient leur accompagnement davantage individualisé. Enfin, les capables sont préparé-es au travail productif et à l’autonomie hors des IME, par un travail de normalisation qui vise à invisibiliser les comportements jugés hors-normes. Dans le même temps, les incapables se voient également invisibilisés socialement, mais par le biais d’une institutionnalisation adulte, à laquelle ils et elles sont préparé-es à travers un travail sur l’autonomie au sein des institutions, en apprenant à faire et s’occuper seul-e.