Thèse soutenue

Protection des données personnelles et droit à la vie privée : enquête sur la notion controversée de « donnée à caractère personnel »

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Auteur / Autrice : Julien Rossi
Direction : Virginie JulliardJérôme Valluy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'Information et de la Communication et Science Politique : Unité de recherche COSTECH (EA-2223)
Date : Soutenance le 02/07/2020
Etablissement(s) : Compiègne
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 71, Sciences pour l'ingénieur (Compiègne)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques / COSTECH

Résumé

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La menace qu’Internet et les technologies numériques de l’information et de la communication en général font ou feraient peser sur la vie privée soulève de nombreux débats, tant dans la presse qu’au niveau politique. L’affaire Snowden en 2013, puis l’adoption en 2016 du Règlement général de protection des données (RGPD), ont renforcé la visibilité de ces controverses dans l’espace public. Cette thèse part d’une triple interrogation : pouvons-nous définir ce qu’est la « vie privée », existe-t-il un consensus autour de la question, et ce consensus évolue-t-il avec des évolutions de notre milieu technique qui affectent nos modes de communication, et donc d’intrusion dans celle-ci ? En définissant la « vie privée » comme l’objet protégé par des textes normatifs – textes de loi, jurisprudence et standards techno-politiques d’Internet – qui protègent le droit à la vie privée, il est possible d’en étudier empiriquement l’évolution et les controverses qui l’accompagnent. Le droit de la protection des données à caractère personnel a émergé en Europe dans les années1970 pour protéger une « vie privée » perçue comme menacée par une informatique encore à ses débuts. Aujourd’hui, le RGPD, ou encore certains documents édictés par des organismes de standardisation comme l’Internet Engineering Task Force (IETF) ou le World Wide Web Consortium (W3C), visent à protéger cette vie privée au travers d’un corpus de règles, la « protection des données », qui concerne les « données à caractère personnel ». Les définitions juridiques de cette notion produites dans des arènes institutionnelles et celles produites dans des arènes de standardisation technique sont identiques. L’étude de la généalogie de la protection des données révèle en outre le rôle déterminant d’informaticiens dans l’invention de la « protection des données » et en particulier des principes qui régissent aujourd’hui encore les dispositions contenues dans le RGPD. L’analyse des controverses qui ont eu lieu dans les arènes d’élaboration de ces normes montre que la notion de « donnée à caractère personnel » inscrite dans les textes de notre corpus reflète essentiellement le système de convictions d’une coalition d’acteurs inspirés par des idéaux libéraux utilitaristes, attachés à l’autonomie de l’individu et accordant de l’importance au respect de son consentement. Ce paradigme s’est imposé dans les arènes étudiées face à d’autres conceptions de la « vie privée », notamment celles qui la définissent comme un espace collectivement défini ôté au regard de l’espace public, ou encore celles qui préconisent une patrimonialisation de ces données. Ce n’est donc pas l’informatique qui a directement déterminé une évolution dans l’objet de la protection du droit de la vie privée, mais ses perceptions par un groupe d’acteurs. Convaincus de l’utilité sociale de la protection de leur conception libérale de la vie privée, ces derniers sont parvenus à faire émerger, en Europe, dans les années 1970, une nouvelle catégorie juridique : le droit à la protection des données. Le RGPD, adopté en 2016, tout comme les projets de standards du Web visant à protéger la vie privée et étudiés dans cette thèse, reprennent les principes issus de ces premiers débats. Ce faisant, l’arrivée de l’informatique a, indirectement mais effectivement, été un élément déclencheur dans l’évolution de la « vie privée » définie comme objet du droit à la vie privée.