Défaire l'histoire, refaire l'histoire : l’écriture des possibles dans l’œuvre de Germaine de Staël (1785-1818)
Auteur / Autrice : | Laura Broccardo |
Direction : | Florence Lotterie |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire, histoire de l’art et archéologie. Histoire et sémiologie du texte et de l’image |
Date : | Soutenance le 14/12/2019 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langue, littérature, image, civilisations et sciences humaines (domaines francophone et anglophone) (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'étude et de recherche interdisciplinaire de l'UFR LAC (Paris ; 2009-....) |
Jury : | Président / Présidente : Stéphanie Genand |
Examinateurs / Examinatrices : Florence Lotterie, Stéphanie Genand, Jean-Marie Roulin, François Rosset, Claude Millet, Michel Delon | |
Rapporteur / Rapporteuse : Jean-Marie Roulin, François Rosset |
Résumé
Ce travail interroge le corpus staëlien dans son ensemble à partir de la notion de possible, en tant qu’il est une clé pour interpréter le rapport de Germaine de Staël au réel, à l’écriture et à l’action. Staël percevant le réel dans ses virtualités, actualisé ou à l’état de possible, son écriture oscille entre la déploration de ce qui n’est pas et l’injonction à le faire advenir. Aussi l’écriture narrative staëlienne, qui comprend récits de fiction et historiographie, a-t-elle pour fonction de faire émerger, de manifester textuellement les possibles, c’est-à-dire les possibilités d’action à échelle individuelle et collective, tout particulièrement dans les vies féminines, davantage fermées aux possibles que les vies masculines ouvertes sur un horizon d’action. Cela prend la forme de subordonnées hypothétiques en « si », abondantes sous la plume staëlienne, de scénarios contrefactuels qui récrivent l’histoire autrement et, plus largement, d’une écriture conçue comme laboratoire des possibles. Le possible est chez Staël un principe poétique. Écrire les possibles implique en ce sens de « défaire l’histoire », c’est-à-dire d’éclairer toutes les entraves, tous les obstacles, qui ont empêché les possibles de voir le jour, de s’affronter à l’impossible, à la fatalité, en exposant notamment l’inanité des mécaniques fatalistes, et donc à tout ce qui coupe la vie des personnages, fictifs et historiques, de l’action, les condamnant à l’impuissance et au désespoir. Car le possible porte avec lui une exigence, qui s’enracine dans la morale staëlienne, celle de faire tout ce que l’on peut faire, de faire tout le bien possible. À cette aune, Staël analyse tout ce qui s’est effectivement produit dans l’histoire, les responsabilités individuelles mais aussi les manquements – ce qui aurait dû être fait et ne l’a pas été – , tout particulièrement les actes des grands hommes dans le cours de la Révolution française et de l’Empire. Staël récrit alors, en parallèle des faits historiques advenus, l’histoire telle qu’elle aurait dû se produire : elle « refait l’Histoire ». L’historienne est indissociable, de ce point de vue, de la femme engagée dans les combats de son temps. L’écriture staëlienne des possibles met ainsi au jour les multiples visages de celle qui s’est efforcée d’être tout ce qu’elle devait être, au regard de ses facultés.