Thèse de doctorat en Neurosciences cognitives
Sous la direction de Judit Gervain.
Soutenue le 27-11-2019
à l'Université Paris Cité , dans le cadre de École doctorale Cognition, comportements, conduites humaines (Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine ; 1996-....) , en partenariat avec Centre Neurosciences intégratives et cognition (Paris ; 2019-....) (laboratoire) .
Le président du jury était Christian Lorenzi.
Le jury était composé de Christian Lorenzi, Claudia Männel, Laura Dugué, Marcela Peña.
Les rapporteurs étaient Christian Lorenzi, Claudia Männel.
L'objectif de cette thèse est d'étudier la relation entre les oscillations cérébrales et le traitement de la parole chez les jeunes nourrissons. Les oscillations cérébrales correspondent à une activité synchrone générée par des assemblages neuronaux, qui peuvent être couplés naturellement ou couplés par un stimulus commun. Il a été proposé que certaines oscillations cérébrales soient impliquées dans le traitement de la parole et du langage, en raison de la correspondance proche entre les échelles de temps des unités de parole et les bandes de fréquences dans lesquelles ces oscillations se produisent: des unités phonémiques, syllabiques et phrasales du côté de la parole, vs des bandes de low-gamma (25-35 Hz), thêta (4-8 Hz) et delta (1-3 Hz) du côté des oscillations. La relation la plus étudiée dans la littérature est celle entre des oscillations cérébrales et l'enveloppe de la parole. L'enveloppe de la parole correspond aux modulations d'amplitude lente du signal de parole dans le temps. Il a été démontré que le cerveau humain adulte code des caractéristiques spécifiques de l'enveloppe de la parole, un phénomène connu sous le nom de suivi d'enveloppe de parole. Cependant, l'origine développementale de la capacité de suivi de l'enveloppe et le rôle des oscillations cérébrales dans l'apprentissage des langues restent inconnus. Pour éclaircir ces questions, nous examinons ici comment les bébés expriment ces capacités au cours de leur première année de vie. Ce travail est organisé en trois parties principales. Nous avons d'abord évalué les nouveau-nés en leur présentant des phrases parlées en trois langues: leur langue maternelle (français), une langue inconnue rythmiquement similaire (espagnol) et une langue inconnue rythmiquement différente (anglais). Nous avons enregistré leur activité cérébrale par électroencéphalographie (EEG) en écoutant passivement les exemples de parole présentés, ainsi que pendant les périodes de repos. Nous avons évalué le suivi des enveloppes temporelles de la parole dans les langues connues et inconnues avec deux méthodologies: la corrélation croisée et la cohérence de phase. De plus, nous avons mis en oeuvre une analyse temps-fréquence pour étudier les différences multilingues des oscillations neurales induites et l'effet de la stimulation de la parole sur les oscillations de l'état de repos. Les résultats montrent que les nouveau-nés exposés uniquement au français avant la naissance possèdent la capacité neuronale de coder aussi bien l'enveloppe de la parole dans des langues connues et inconnues. De plus, nous avons trouvé la présence d'oscillations cérébrales induites dans les delta et thêta bandes lors de la tâche d'écoute, mais pas celle d'oscillations gamma. Pour la deuxième partie de cette étude, nous avons évalué les nourrissons monolingues français de 6 mois en leur présentant des phrases parlées en français, espagnol et anglais (similaire à ce qui a été fait à la naissance). En évaluant le suivi de l'enveloppe temporelle de la parole et les oscillations cérébrales à six mois, nous avons pu étudier les effets de l'expérience du langage et de la maturation du cerveau sur ces mécanismes neuronaux. Les résultats montrent qu'à l'âge de 6 mois, les nourrissons sont toujours capables de coder l'enveloppe de parole de leur langue familière (français) et une langue inconnue rythmiquement différente (anglais), cependant, le codage de l'enveloppe de parole d'une langue inconnue rythmiquement similaire (espagnol) est diminué. De plus, nous avons constaté l'émergence d'oscillations gamma induites qui n'étaient pas retrouvées à la naissance. Pour la troisième partie, nous avons évalué la compréhension et la production du vocabulaire des bébés à 12 et 18 mois en utilisant la version française des Inventaires du développement en communication de MacArthur-Bates (MB-CDI) afin de déterminer si leurs capacités cérébrales de traitement de la parole étaient prédictives de la taille de leur vocabulaire.
Neural oscillations and speech processing during the first months of life
The goal of this thesis is to investigate the relationship between neural oscillations and speech processing in young infants. Neural oscillations correspond to synchronous activity generated by neuronal assemblies, which can be naturally coupled, or coupled by a common stimulus. It has been proposed that certain neural oscillations are involved in speech and language processing, due to the close correspondence between the time scales of speech units and the frequency bands at which these oscillations occur: phonemic, syllabic and phrasal units on the speech side, vs. low gamma (25-35 Hz), theta (4-8 Hz) and delta (1-3 Hz) bands on the oscillations side. The relationship that has been most studied in the literature is that one between neural oscillations and the speech envelope. The speech envelope corresponds to the slow amplitude modulations of the speech signal over time. It has been shown, that the adult human brain encodes specific features of the speech envelope, a phenomenon known as speech envelope tracking. However, the developmental origin of the envelope tracking ability, and the role of neural oscillations in language learning remain unknown. In order to shed some light on these questions, here we look how infants express these abilities during their first year of life. This work is organized in three main parts. First we assessed newborns by presenting them with spoken sentences in three languages: their native language (French), a rhythmically similar unfamiliar language (Spanish), and a rhythmically different unfamiliar language (English). We recorded their neural activity using electroencephalography (EEG) while they passively heard the presented speech samples, as well as during periods of resting state. We evaluated speech envelope tracking to the familiar and the unfamiliar languages by implementing two methodologies: cross-correlation and phase-coherence. Additionally, we implemented a time-frequency analysis to investigate the cross-linguistic differences of induced neural oscillations, and the effect of speech stimulation on resting state oscillations. Results show that newborns prenatally exposed only to French possess the neural ability to encode the speech envelope in familiar and unfamiliar languages equally well. Additionally, we found the presence of delta and theta induced oscillations during the listening task, but not that of gamma oscillations. For the second part of this study, we assessed 6-month-old French monolingual infants by presenting them with spoken sentences in French, Spanish and English (similar to what was done with at birth). By evaluating speech envelope tracking and neural oscillations at six months of age, we were able to investigate the effects of language experience and brain maturation on these neural mechanisms. Results show that at 6 months of age infants are still able to encode the speech envelope of their familiar language (French) and an unfamiliar rhythmically different language (English), however, encoding of the speech envelope of the unfamiliar rhythmically similar language (Spanish) is diminished. Additionally, we found the emergence of induced gamma oscillations that were not previously found at birth. For the third part, we assessed infants' vocabulary comprehension and production at 12 and 18 months, by using the French version of the MacArthur-Bates Communicative Development Inventories (MB-CDIs) to investigate if infants' early neural processing abilities are predictive of later vocabulary size. By doing this, we aim to identify early biomarkers of language delay. Overall, this work contributes to a better understanding of the role neural oscillations in speech processing and language learning. We show here how speech induced neural oscillations emerge during the first months of life, and what is their relationship with speech comprehension.
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