Thèse soutenue

Les restrictions à la liberté de religion et de conviction en Indonésie : genèse et enjeux contemporains de la loi anti-blasphème de 1965

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Auteur / Autrice : Ayub Mursalin
Direction : Brigitte Basdevant-GaudemetRémy Madinier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences juridiques
Date : Soutenance le 17/06/2019
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Droit et sociétés religieuses (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 1992-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Paris-Sud (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : François Jankowiak
Examinateurs / Examinatrices : Brigitte Basdevant-Gaudemet, Rémy Madinier, François Jankowiak, Delphine Allès, Nathalie Bernard-Maugiron
Rapporteurs / Rapporteuses : Delphine Allès, Nathalie Bernard-Maugiron

Résumé

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Cette thèse propose une lecture juridique, politique et sociale de l’application de la loi anti-blasphème de 1965 dans le plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie. Plusieurs controverses sont apparues ces dernières années concernant la nature de la loi sur le blasphème dans la vie religieuse de la société démocratique indonésienne ; cette loi correspond-elle à la prévention des abus en matière de religion et/ou de blasphème, comme il est mentionné explicitement dans son titre, ou bien concernerait-elle plutôt la restriction de la liberté de religion et d’expression en matière religieuse ? En avril 2010, après le procès contrôlant la constitutionnalité de cette loi, une décision de la Cour constitutionnelle indonésienne a établi que la loi examinée ne correspondait pas à cette seconde lecture. Si cette loi a bien pour objectif de restreindre la liberté de religion ou d’expression en matière religieuse, selon la Cour, cela ne signifie pas que cette forme de restriction est inconstitutionnelle dès lors que la Constitution de 1945 en vigueur s’accompagne d’une restriction légale au respect ou à la sauvegarde des valeurs religieuses en particulier, à côté de la moralité, de la sécurité et de l’ordre public. Toutefois, les débats et les tensions au sein de la société concernant l’application de cette loi perdurent sans relâche. Les défenseurs des droits de l’homme maintiennent que l’existence d’une telle loi anti-blasphème est contraire à l’esprit de la démocratie. En revanche, les défenseurs de la censure religieuse s’obstinent à affirmer que cette loi est nécessaire pour éviter les conflits religieux. À travers une analyse de son contenu juridique et de sa mise en application, nous considérons que la loi anti-blasphème de 1965 a visé en premier lieu à entraver le déploiement des courants de croyance spirituelle locale ou des courants mystiques javanais qui, dans une certaine mesure, sont considérés par les musulmans en particulier comme une menace pour les religions existantes et pour la désintégration du pays. Dans un second temps, nous verrons que l’existence de ladite loi est davantage destinée à restreindre le nombre des religions reconnues par l’État d’une part, et à réprimer les courants religieux « dissidents » ou « hétérodoxes » d’autre part. Si les actes jugés comme blasphématoires, parmi lesquels figure la diffusion d’interprétation religieuse « déviantes » de l’orthodoxie, sont des infractions sanctionnées, ce n’est pas la loi anti-blasphème de 1965 qui sert de référence, mais l’article 156a du Code pénal qui trouve son origine dans ladite loi. Ainsi, la loi anti-blasphème de 1965 est plutôt utilisée pour restreindre la liberté de religion et de conviction au sens large, alors que l’article 156a du Code pénal est chargé de limiter la liberté d’expression en matière religieuse. En Indonésie comme ailleurs, le renforcement de l’application de la loi anti-blasphème va de pair avec l’émergence des groupes religieux radicaux qui veulent voir triompher leur conception totalitaire d’une liberté d’expression bridée par le respect de la foi religieuse. Ces derniers utilisent de cette loi non seulement à des fins religieuses, mais également à des fins politiques, notamment celle déstabiliser un régime « laïque » ou bien d’étendre leur influence. L’objectif de cette thèse est non seulement d’analyser la nature de la loi anti-blasphème de 1965, mais aussi de proposer une perspective alternative pour aborder les conflits juridiques en Indonésie concernant les deux droits fondamentaux, à savoir le droit à la liberté de religion et le droit d’expression. La thèse vise alors la prévention des conflits juridiques en la matière et ainsi qu’à trouver un équilibre entre les libertés concernées.