L'enfance des sentiments. La construction et l'intériorisation des règles des sentiments affectifs et amoureux chez les enfants de 6 à 11 ans.
Auteur / Autrice : | Kevin Diter |
Direction : | Muriel Darmon, Nathalie Bajos |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Santé publique - sociologie |
Date : | Soutenance le 13/02/2019 |
Etablissement(s) : | Université Paris-Saclay (ComUE) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Santé Publique (Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne ; 2015-...) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Villejuif, Val-de-Marne ; 2010-....) |
établissement opérateur d'inscription : Université Paris-Sud (1970-2019) | |
Jury : | Président / Présidente : Michel Bozon |
Examinateurs / Examinatrices : Muriel Darmon, Nathalie Bajos, Florence Maillochon, Wilfried Lignier | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Christine Détrez |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Alors que la plupart des chercheur.e.s en sciences sociales s’accordent sur le caractère éminemment social de l’amour et de l’amitié, peu se sont attaché.e.s à décrire empiriquement la manière dont les dispositions à aimer se forment et sont progressivement intériorisées par les personnes au cour de leur vie, laissant ainsi les vastes questions de la production et du développement des sentiments affectifs et amoureux à des disciplines qui ont tendance à les naturaliser, en biologisant ou psychologisant ses mécanismes.A l’intersection de la sociologie du genre et de la socialisation, l’objectif de la thèse est d’ouvrir la « boite noire » des sentiments en proposant de faire la socio-genèse des rapports –socialement et sexuellement différenciés– à l’amour et à l’amitié. Plus précisément, il s’agit de comprendre comment, dès leur plus jeune âge, les filles et les garçons apprennent à aimer et à bien aimer, c'est-à-dire à aimer, de la bonne manière, les bonnes personnes du bon sexe.A partir d’une enquête ethnographique d’un an réalisée en 2014 au sein d’une école primaire parisienne, d’une quarantaine d’entretiens menés auprès d’enfants et de parents, et d’une analyse secondaire d’une enquête quantitative nationale réalisée en 2008 sur les pratiques culturelles enfantines auprès de 4979 enfants, le travail de la thèse s’emploie à préciser et à décrire en trois temps l’enfance des sentiments, c’est-à-dire à caractériser, au-delà des processus d’acquisitions des dispositions sentimentales, ce que signifient « aimer », « de la bonne manière », « les bonnes personnes » « du bon sexe », en tenant compte à chaque fois des propriétés sociales des enfants et de leurs autrui significatifs.La première partie met en évidence ce que veut dire aimer d’amour et aimer d’amitié pour les enfants. Loin d’être des sujets neutres, les sentiments affectifs et amoureux semblent, selon les milieux sociaux, avoir un âge et un sexe plus ou moins marqués dont la transgression peut s’avérer très coûteuse dans la mesure où elle est susceptible de remettre en cause la définition de soi des enfants, et donc leur réputation et leur rang au sein de la cour de récréation.La deuxième partie interroge les processus qui conduisent les enfants à apprendre à aimer de la bonne manière, c’est-à-dire à se tenir plus ou moins à distance dans l’amour et de l’amitié. Elle souligne qu’en plus d’avoir un sexe et un âge, l’investissement dans les discussions sentimentales a une classe sociale : les garçons des classes supérieures mettant plus facilement en mot et en scène leurs sentiments affectifs et amoureux que les filles des classes moyennes et populaires.La dernière partie, enfin, s’attache à décrire les mécaniques du cœur des enfants, et plus précisément les façons dont les filles et les garçons apprennent à aimer et à « choisir » les bonnes personnes (du bon sexe). En un mot, elle souligne que, une fois les conditions d’âge et de sexe passées avec mention (i.e. être du même âge et du même sexe pour les ami.e.s, et être du même âge et de l’autre sexe pour les amours), il existe trois principales logiques de sélection et de jugement des pairs : une logique « scolaire » vs une logique « ordinaire », une logique intellectuelle vs une logique esthétique, et enfin une logique relationnelle vs une logique morale. Ces logiques de sélection, variables selon les positions de classe des enfants, permettent non seulement de rendre compte de l’existence d’une forte homogamie dans les relations affectives et amoureuses enfantines, mais également d’en expliquer sa précocité et ses différentes conditions de félicité.