Du manuscrit à la scène d'exposition : portrait de Johann Woyzeck en arlequin
Auteur / Autrice : | Quentin Mornay |
Direction : | Guitemie Maldonado |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | SACRe, arts visuels |
Date : | Soutenance le 01/07/2019 |
Etablissement(s) : | Paris Sciences et Lettres (ComUE) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Sciences, Arts, Création, Recherche |
établissement de préparation de la thèse : École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (Paris) | |
Jury : | Président / Présidente : François-René Martin |
Examinateurs / Examinatrices : Guitemie Maldonado, Nathalie Delbard, Lionel Ruffel, Yves Citton, Emmanuel Saulnier | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Nathalie Delbard, Lionel Ruffel |
Résumé
En 1878 Karl Emil Franzos appose sur le manuscrit pas encore nommé Woyzeck une solution de souffre et d’ammoniaque. Le traitement doit permettre de dévoiler les parties illisibles du texte et de faire apparaître derrière les ratures des parties nécessaires à la compréhension de la dramaturgie. En 1837, les feuillets récupérés à la mort de l’auteur furent jugés vulgaires et ne parurent pas dans la première édition des œuvres complètes en 1850. Pour l’édition de 1878, Karl Emil Franzos entend mettre au jour cette pièce laissée inachevée. Pendant un moment le précipité semble opérer. L’encre remonte à la surface du papier. Les lettres prennent en épaisseur, des mots apparaissent. Les passages écrits trop vite avec une plume sèche et les restes d’un encrier se dévoilent. Pendant un moment du moins. Très rapidement l’encre remontée en excès à la surface du papier sèche. Des croûtes de pigments se forment à l’endroit des mots. En l’absence de fixateur, ces petits tas de poussières se dispersèrent au moment de l’expiration du lecteur. La première apparition du manuscrit consista en sa disparition partielle. Des pattes de mouches et des biffures il ne reste par endroit plus que le pli laissé par la pointe sur le papier. Le personnage de Johann Woyzeck, tel que relaté dans la pièce, advient dans les conditions du manuscrit. Georg Büchner opère une réduction du personnage à sa condition d’apparaître. Au fur et à mesure des lignes les abréviations et les ponctuations font émerger sa figure. Le texte le vêtit par addition de lambeaux et de débris. Comme l’homme invisible qui ne devient perceptible qu’une fois habillé, Johann Woyzeck se pare d’un costume et advient dans les mailles d’un langage rapiécé. Ainsi affublé d’un telle tunique le personnage prend les allures d’un arlequin. Il y a alors une tunique qui fait personnage et qui n’est faite que de morceaux empruntés. Il est débiteur de sa propre peau et sa malice lui permet de toujours déjouer les conditions de son baptême. Et il y a un être de papier qui s’aliène dans les dissociations qui lui sont imposées jusqu’à en perdre la possibilité de dire « Je ». Par surimpression il s’agit de faire apparaître ici le Woyzeck comme une arlequinade. Le montage valant tout autant pour l’histoire que pour la forme du manuscrit. Les quatre feuillets assemblés par la recherche philologique prennent valeur de canevas, à l’image de ceux utilisés par les compagnies de commedia dell’arte et qui servaient de situation de départ au travail d’improvisation. Pris dans ce maillage le drame devient une farce noire où un arlequin, sommé de s’enregistrer à l’état civil et de rendre compte de la provenance de ses morceaux, se fragmente. C’est tout son être que la question « Qui es tu ? » vient à démettre. La perte du « Je » engage alors la langue vers sa dissolution dans les blancs de la page. Cette figure et ce manuscrit deviennent dans cette recherche un paradigme. Les œuvres sculpturales, numériques et photographiques travaillent dans leurs modes de conception et dans leurs formes ce maillage. Elles s’annoncent sur une analogie entre langage et encodage. La mise en espace tend alors à mettre en scène des modes de figurations du monde qui se représentent plus eux-même qu’ils ne représentent les objets qu’ils se proposent de signifier. C’est cette tension que vient scénographier l’exposition Un Puzzle Blanc qui constitue la première partie de cette recherche. L’espace devient le lieu d’une mise en scène où l’exposition devient scène. La deuxième partie de cette thèse est une traduction de l’accrochage sous la forme d’un film. Il documente les œuvres et transcrit dans une durée et dans un montage les motifs et les principes de travail de cette recherche. À partir de ces éléments, le mémoire de thèse est une mise en texte de la lecture du drame faites par cette recherche. Il argumente en quoi le personnage de Johann Woyzeck est une survivance de la figure de l’arlequin.