Thèse soutenue

La poésie en décalé : innovation, déplacement de traditions poétiques et naissance de nouveaux genres chez Philippe de Rémi, seigneur de Beaumanoir

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Auteur / Autrice : Anna Arató
Direction : Nathalie KobleSándor Kiss
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature et langages
Date : Soutenance le 10/07/2019
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE) en cotutelle avec Debreceni egyetem (Debrecen, Hongrie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : École normale supérieure (Paris ; 1985-....). Département Littérature et langages
Établissement de préparation de la thèse : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
Jury : Président / Présidente : Danièle James-Raoul
Examinateurs / Examinatrices : Nathalie Koble, Sándor Kiss, Danièle James-Raoul, Levente Seláf, Michelle Szkilnik, Fabio Zinelli
Rapporteurs / Rapporteuses : Levente Seláf, Michelle Szkilnik

Résumé

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Philippe de Rémi, seigneur de Beaumanoir (vers 1210 – 1265) est, avec son condisciple Adam de la Halle, l’un des poètes les plus novateurs du Nord de la France du XIIIe siècle. Si ses deux immenses romans (La Manekine, Jehan et Blonde) de quelques 16 000 vers ont été édités à plusieurs reprises et abondamment commentés, sa contribution à la littérature poétique, pourtant fondamentale, reste encore largement inexploitée. Philippe a pourtant fait figure d’inventeur : ses « petites pièces » – comme les désignent les premiers éditeurs – s’inscrivent entre les deux romans et un troisième, le Roman du Hem d’un auteur inconnu, qui, tels des serre-livres, enchâssent huit poèmes de genres poétiques divers. Ces poésies témoignent chacune du goût de leur auteur pour l’exploration des limites : au-delà de renouveler certaines formes lyriques (salut d’amour, chanson lyrique, fabliau, conte allégorique), il peut également revendiquer la paternité de la poésie du non-sens en langue vernaculaire ; ses fatrasies et ses rêveries, éditées mais détachées du reste de sa production lyrique, ont surtout retenu l’attention des modernes, depuis leur mise au jour partielle par Georges Bataille. Le corpus poétique que notre thèse se propose d’étudier se compose de huit pièces : Salus d’Amours, Conte d’Amours, Conte de fole larguesce, Oiseuses, Lai d’Amours, Ave Maria, Fatrasies, Salus à refrains. Il se caractérise par une diversité tout à fait exceptionnelle des genres et des formes : au-delà de deux saluts d’amour très différents, il contient un conte courtois, un conte-fabliau, un poème d’amour purement courtois, une prière mariale, une pièce de non-sens relatif, et une seconde de non-sens absolu. L’enchaînement de ces poèmes au sein du manuscrit fait apparaître une véritable logique de compilation, témoignant de l’incontestable intention d’assemblage du commanditaire du manuscrit, qui fut probablement lié aux Rémi par des liens familiaux et professionnels. La séquence des poésies de Philippe au sein du manuscrit Paris, BnF.fr. 1588 est loin de constituer une simple mise bout-à-bout d’œuvres disparates : les pièces se succèdent conformément à leurs interférences à la fois génériques, sémantiques et formelles. Le recueil poétique ainsi naissant se caractérise aussi bien par la diversité que par des jeux de proximité : si les deux romans trouvent leur écho dans le dédoublement des saluts d’amour, les autres pièces sont liées par de multiples liens formels et sémantiques qui engendrent des effets de polyphonie.