Thèse soutenue

Le concept d'Etats défaillants dans les relations internationales : une étude politique

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Auteur / Autrice : Jessie Duval
Direction : Stephen Launay
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences Politiques
Date : Soutenance le 07/06/2019
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire d'étude du Politique Hannah Arendt (Créteil) - Laboratoire Interdisciplinaire d'étude du Politique Hannah Arendt (Créteil)
Jury : Président / Présidente : Pierre Vercauteren
Examinateurs / Examinatrices : Stephen Launay, Gérard Cahin, Pascale Delormas, Jérôme Roudier
Rapporteurs / Rapporteuses : Gérard Cahin

Résumé

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Dans les années 1990/2000, les termes Failling State, Failed State, Collapsed State, Quasi-State et Weak State bouleversent la pensée politique internationale. On s’est alors posé la question de savoir s’ils n’étaient pas en train de créer une nouvelle catégorie d’États dans le champ de la science politique, une catégorie des États « déviants » ? De quelles déviances s’agissait-t-il alors ? Quelles normes politiques et internationales avaient-t-ils transgressé ? Au final, quelle(s) définition(s) pouvions-nous apporter à ces États dans un ou des sens que la science politique entendrait ? En quoi contribueraient-t-elles à enrichir la théorie politique ? Craignant les effets normatifs et l’absence d’objectivité scientifique d’une définition provisoire de départ, nous avons choisi de définir le concept de manière descriptive c’est-à-dire au terme d’une analyse empirique. Le problème était alors d’ordre méthodologique : comment décrire un objet dont on ne soupçonnait pas l’existence il y a peu? Et comment l’analyser ? Nous sommes parties de l’idée que les Failling State, Failed State, Collapsed State, Quasi-State et Weak State étaient des notions synonymes issues d’un même concept, « États défaillants ». L’emploi de ce terme philosophique nous donnait donc pour tâche de déterminer tous les sens, notions et usages rattachés. Le concept pouvait également être caractéristique d’un paradigme. Ce terme emprunté à la philosophie des sciences permettait d’envisager l’existence d’une communauté de penseurs, co-auteurs du concept-paradigme grâce à leurs usages lexicaux socio-politiques voire à leurs théories.Il nous restait à emprunter la démarche du lexicographe. Appuyée sur les outils de l’analyse du discours, en particulier sur les méthodes formulaire et lexicologiques, il s’est agi de retracer l’histoire du concept sur un temps long : de sa genèse, ses phases de construction et de déconstruction à nos jours.De cette approche diachronique, trois résultats ont été dégagés :Le premier a été de découvrir le théoricien du concept-paradigme « État-défaillant » en la personne de René de Lucinge, Sieur des Allymes. L’ambassadeur de la Savoie à la Cour de France sous le roi Henri III, proche un temps de Giovanni Botero, expose pour la première fois, la théorie de la défaillance c’est-à-dire de la chute de l’État dans son petit traité politique De la Naissance, Duree et Cheutte des Estats, publié en 1588 à Paris. Disgracié en 1602 pour avoir signé le traité de Lyon, son nom et ses œuvres ont été damnati trois cents ans durant. À travers la découverte de René de Lucinge, la communauté originelle des penseurs du paradigme peut ainsi être révélée. L’ « État défaillant » apparaît donc au même moment que le concept d’ « État », lui-même, c’est-à-dire au XVIe siècle.Le second résultat porte sur les évolutions cognitives du concept-paradigme entre Naissance et les années 2000. Il perd, par exemple, une de ses notions phares, la notion antonyme de conservation de l’État. Et, la domination des juristes, à plusieurs moments de la « vie » du concept, exerce un effet dirimant sur son sens. Les mots ayant une « mémoire », il n’est, en effet, plus possible de le penser ou de l’employer sans lui associer les termes de « manquements », « devoirs » ou « obligations ». Ce second résultat permet de révéler d’autres communautés de savants grâce à leurs usages socio-politiques. Le dernier résultat permet d’évaluer l’apport américain dans l’histoire du concept. Certes, cette innovation pousse le paradigme vers son apogée. Il s’enrichit de modélisations qui révèlent l’existence de règles analytiques communes aux communautés du paradigme. Cependant, la domination américaine le fait entrer dans le champ politique international. Or, cette évolution conduit à la création d’un concurrent, le Fragile State, dont l’émergence progressive provoque, au final, l’extinction concomitante du concept-paradigme « États défaillants »