Thèse soutenue

Politiques de la fiction dans les images documentaires. Présentisme et photographie
FR  |  
EN
Accès à la thèse
Auteur / Autrice : Roberta Agnese
Direction : Frédéric Gros
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 09/12/2019
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Lettres, Idées, Savoirs (Créteil)
Jury : Président / Présidente : Carole Talon-Hugon
Examinateurs / Examinatrices : Frédéric Gros, Antonio Somaini, Aline Caillet, Nathalie Delbard
Rapporteurs / Rapporteuses : Antonio Somaini, Aline Caillet

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

Cette thèse en philosophie esthétique porte sur le statut de la photographie, et plus précisément sur sa capacité à documenter, ainsi que sur les régimes de temporalité qu’elle mobilise dans ses stratégies documentaires. Elle s’inscrit dans le cadre des études visant à analyser liens entre la photographie et l’histoire, et son ambition est de se positionner dans le champ d’une « philosophie de la photographie » ayant comme but celui de comprendre les enjeux cognitifs et épistémologiques de ce médium. Le champ de l’enquête a été formulé à partir de l’œuvre de Walid Raad, et a été ensuite élargi à d’autres pratiques artistiques qui, comme celle de Stan Douglas, investissent la photographie dans ses déclinaisons post-documentaires, qui en remettent en cause le rôle et les fonctions.Dans cette démarche, un concept en particulier a guidé ma réflexion, celui de présentisme, que j’emprunte à la théorie de l’historiographie. Forgé par François Hartog dans le cadre de sa réflexion sur les régimes d’historicité, il est utilisé par l’historien en tant qu’outil heuristique et déployé pour comprendre le rapport singulier qu’une époque donnée, la nôtre en l’occurrence, entretient avec le temps. J’ai utilisé cette notion à l’instar d’Hartog lui-même, donc comme un instrument interprétatif, mais en changeant son objet d’enquête. En appliquant ce concept à la compréhension de la temporalité de l’image photographique plutôt qu’à celle des régimes d’historicité, j’ai pu m’interroger sur le statut du document photographique et notamment sur le régime temporel que celui-ci véhicule. Une fois appliquée à la théorie des images, cette notion acquiert un sens positif puisqu’elle nous montre les différentes temporalités à l’œuvre dans le médium photographique, qui se révèle être non seulement un vecteur de mémoire mais aussi un producteur de sens pour notre présent. Puissant instrument du présentisme d’une part, et son antidote d’autre part, l’image photographique ainsi comprise nous montre toute son implication avec le présent de sa prise de vue mais aussi avec le présent de l’observateur qui la regarde. Une compréhension renouvelée des enjeux que la photographie mobilise, au vu aussi des modifications techniques qui l’investissent, demande de remettre en cause le cadre théorique à travers lequel elle a toujours été interprétée, à savoir celui d’une image trace, empreinte de la réalité et donc, par conséquent, document fidèle d’un passé révolu. J’ai essayé de démontrer, en interprétant la photographie sous le signe du présentisme, qu’elle n’est pas seulement la trace de ce qui a été, mais aussi et surtout une configuration possible de ce qui est. Pour comprendre l’imbrication des différentes temporalités à l’œuvre dans l’image photographique, j’ai interrogé ce qu’un outil comme la fiction pouvait nous apprendre sur les régimes temporels des photographies, celle-ci s’étant en effet révélée aussitôt fondamentale pour explorer ces temporalités dans toutes les strates dont elles se composent. Il a été donc question de voir comment des artistes contemporains pratiquent une politique de la fiction tout en produisant des images photographiques ainsi-dites « documentaires ».J’ai ainsi repéré deux stratégies fictionnalisantes : d’un côté, celles qui font appel à une pratique de l’archive mais qui en renversent et réinventent le statut et les documents ; de l’autre, celles qui performent l’image en mettant en scène l’espace et le temps. Si configurer le « ça a été » nous fait basculer du côté de la fiction, il faudra alors interroger ce que fiction veut dire dans le cadre d’une image photographique qui demeure documentaire tout en étant fictive, qui est testimoniale mais aussi mise en scène ou performée. On verra qu’il s’agit d’une véritable nécessité poïetique, celle de redessiner les frontières entre vrai et fictif, en fictionnant la réalité et en montrant la vérité potentielle de la fiction.