Thèse soutenue

L'Espace des désirs : enquête sur la construction des homosexualités masculines en Chine post-maoïste

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Auteur / Autrice : Lucas Monteil
Direction : Éric Fassin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique et Études de genre
Date : Soutenance le 28/06/2019
Etablissement(s) : Paris 8
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Pratiques et théories du sens (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris - LABTOP
Jury : Président / Présidente : Sylvie Tissot
Examinateurs / Examinatrices : Johanna Siméant-Germanos, Jean-Louis Rocca
Rapporteurs / Rapporteuses : Sébastien Chauvin, Tania Angeloff

Résumé

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Souvent pensée en termes d’ « identité » ou de « culture », « nationale » ou « mondialisée », la question homosexuelle en Chine est d’abord tributaire d’une histoire singulière : celle des significations dont l’amour de même sexe pour les hommes, l’amour et le sexe en général, ont été investis au cours de la modernisation chinoise, marquée successivement par le nationalisme modernisateur (1911-1949), la révolution maoïste (1949-1976) puis les réformes post-maoïstes de l’économie (à partir de 1978). D’abord largement « effacées » de l’espace public, les formes et représentations de la vie homoérotique ont bénéficié de nouvelles opportunités d’expression dans le contexte de libéralisation économique et d’ouverture aux échanges internationaux. Cette enquête conduite au long de six années, de 2009 à 2015, dans trois métropoles de Chine continentale - Shanghai, Pékin, Chengdu - interroge pourtant l’association tant ordinaire que savante de l’homosexualité en Chine aux sujets supposés de la modernité - jeunes, issus des nouvelles classes moyennes et globalisés. Elle met en exergue l’existence de configurations distinctes d’homosexualité masculine en Chine post-maoïste, dont les formes socio-culturelles diffèrent en fonction de leur position, plus ou moins centrale ou périphérique, dans un espace en même temps social, géographique, symbolique et trans/national en rapide transformation. La thèse montre plus largement en quoi toutes les dimensions articulées de ce que l’on peut appeler un goût érotique - comment, quoi, et qui aime-t-on, qu’est-ce qu’aimer veut dire, comment l’apprend-on et d’où cela vient-il… - se développent et s’articulent différemment dans cet espace chinois des homosexualités, de façon consubstantielle aux processus caractérisant la Chine des réformes et de l’ouverture.Les formes historiquement et socialement situées de socialisation à l’homosexualité, qui varient notamment par l’importance respective des rencontres interpersonnelles et des scénarios culturels émergents d’homosexualité, renseignent sur les transformations à l’œuvre dans le domaine des discours publics, marqués par une libéralisation politique partielle et une circulation socialement inégale. La prégnance et la banalité des échanges économico-sexuels au sein des configurations périphériques, en contraste avec la forte stigmatisation de la prostitution dans les univers centraux, illustre l’effet sur la vie érotique du profond bouleversement des conditions de production et de la structure sociale chinoise, caractérisé notamment par le développement des migrations intérieures. D’autres différences relatives aux types corporels idéaux structurent l’espace des homosexualités en présence, la prégnance de l’ « amour vieux-jeune » (laoshaolian) dans les univers périphériques tranchant en particulier avec le caractère hégémonique d’une homogamie d’âge au centre, informant l’évolution différenciée, selon la classe et la génération, des formes de socialisation primaire. L’observation de rapports différenciés au mariage hétérosexuel entre les mondes homoérotiques centraux et périphériques éclaire quant à elle les transformations de l’institution maritale et des normes sexuelles dans la période post-maoïste, marquées par l’émergence d’une norme de mariage romantique et d’amour authentique, particulièrement prégnante parmi la jeunesse des classes moyennes. La circulation transnationale des catégories sexuelles en Chine est finalement saisie sous l’angle de leur réception différenciée et des logiques situées de leur appropriation et mise en circulation à l’intérieur de l’espace des homosexualités et de l’espace national qui le détermine. L’enquête conduit ici à un retournement de l’investigation, de la contextualisation du sexe à l’éclairage du contexte, qui revient, plutôt qu’à rechercher les traits des cultures « chinoise » ou « globalisée » dans l’homosexualité chinoise, à interroger la Chine, comme la mondialisation, dans une perspective sexuelle.