Les bras et le ventre : une sociologie politique des plantations industrielles dans le Cameroun contemporain
Auteur / Autrice : | Guillaume Vadot |
Direction : | Johanna Siméant-Germanos |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences politiques |
Date : | Soutenance le 13/11/2019 |
Etablissement(s) : | Paris 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de science politique (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut des mondes africains (France ; 2014-....) |
Jury : | Président / Présidente : Nicolas Renahy |
Examinateurs / Examinatrices : Johanna Siméant-Germanos, Marie-Émmanuelle Pommerolle, Didier Demazière, Sabine Planel | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Babacar Fall, Antoine Roger |
Résumé
Les plantations industrielles sont aujourd’hui le premier secteur d’emploi privé au Cameroun, et couvrent d’immenses surfaces. En les prenant pour objet, la thèse cherche à relever le défi de comprendre la formation du politique et de l’État en rapport avec les processus sociaux et les matérialités (notamment celles liées à la production) qui les contraignent et les configurent. Pour cela elle s’appuie dans une première partie sur une description sociologique de la main-d’œuvre (ouvrières et ouvriers, encadrement local et expatrié). L’activité de travail, le régime de paye et le sens pris par l’argent numéraire, l’expérience corporéisée qu’ils alimentent, mais aussi les trajectoires et styles de vie, sont passés au crible afin d’éclairer la fabrique locale des identités, les solidarités comme les dynamiques de différenciation et de distinction. Masculinités et féminités, ethnicités, couleur de la peau, capital scolaire ou encore accès à la petite propriété nourrissent ces dernières, sont mobilisés ou subis par les entreprises. La thèse prouve que les travailleur.se.s des plantations sont inscrit.e.s de plain-pied dans un ensemble plus vaste, celui formé par les classes populaires, dont elle participe à l’exploration. La deuxième partie montre alors que les grandes plantations ne sont pas des enclaves échappant au territoire national. Établir leur ordre productif leur demande un effort constant, réinventé au fil du temps, pour construire leur main-d’œuvre (y compris les cadres, des dominant.e.s qui s’y sentent souvent à l’étroit) mais aussi leur emprise sur l’espace. Cet effort, quotidiennement en butte avec diverses relativisations, est constitutif des plantations en tant qu’organisations. De même ces dernières sont-elles dépendantes de leur intégration dans un ordre politique plus vaste, qu’elles contribuent à former localement du fait des multiples antagonismes suscités par leur activité, et des arènes de négociation comme des manières d’« appeler l’État » qu’ils génèrent. C’est le cas en particulier des conflits fonciers et de ceux liés au travail, qui fournissent les ressources politiques nécessaires à l’édification de positions de représentants. Les grandes plantations contribuent donc à l’édification de topographies politiques certes singulières, mais qui forment localement les racines sociales de l’État. En témoignant de la politisation intense de ce qui s’y joue, la thèse suggère que la place des lieux de travail et des enjeux liés à l’emploi a été sous-estimée dans l’étude de la société politique camerounaise contemporaine. Nourrie par une longue enquête dans trois complexes agroindustriels, elle repose également sur la mise en dialogue d’apports issus de la sociologie et de l’anthropologie du travail, du genre, des classes populaires, des organisations, du foncier et de l’État.