Thèse soutenue

Région auditive des Artiodactyles : signal phylogénétique et écologique

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Mickaël Mourlam
Direction : Maëva OrliacRodolphe Tabuce
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Paléobiologie
Date : Soutenance le 05/12/2019
Etablissement(s) : Montpellier
Ecole(s) doctorale(s) : GAIA (Montpellier ; École Doctorale ; 2015-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des sciences de l'évolution (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Nathalie Bardet
Examinateurs / Examinatrices : Maëva Orliac, Rodolphe Tabuce, Nathalie Bardet, Johannes G. M. Thewissen, Olivier Lambert, Gaël Clément, Lionel Hautier
Rapporteurs / Rapporteuses : Johannes G. M. Thewissen, Olivier Lambert

Résumé

FR  |  
EN

La mise en évidence par la biologie moléculaire et par les données paléontologiques de l'appartenance des cétacés au groupe des artiodactyles constitue une des avancées majeures de ces 30 dernières années en mammalogie. Il n'y a cependant pas à l'heure actuelle de consensus quant aux relations phylogénétiques basales des artiodactyles fondées sur des caractères morphologiques et l'histoire évolutive du groupe est de fait, ponctuée de nombreux points d'interrogation. Cette thèse explore une source de caractères phylogénétiques prometteuse : la région auditive (os pétreux, bulle auditive, osselets de l'oreille moyenne, oreille interne) à partir notamment des nouvelles perspectives offertes par l'imagerie µCT Scan. Les principaux objectifs de cette thèse sont (1) de déterminer le signal phylogénétique porté par la région auditive chez les artiodactyles afin d’apporter une nouvelle source de caractères aux analyses et (2) d’explorer le signal écologique porté par les différents éléments de cette région sensorielle dédiée à l’audition (oreille externe, moyenne et canal cochléaire du labyrinthe osseux) et à l’équilibrioception (vestibule et canaux semi-circulaires du labyrinthe osseux). La première partie de cette thèse (I) nous emmène au Togo, où de nombreux restes inédits de la région auditive de « baleines à pattes » (Protocetidae Stromer, 1908) ont été récoltés. D’un point de vu anatomique, ces restes fossiles ont permis de documenter et de décrire pour la première fois le stapes, l’incus et le labyrinthe osseux d’un protocète ; des éléments indispensables pour comprendre leur audition. L’analyse morpho-fonctionnelle indique qu’une audition optimale était probablement possible dans l’air et dans l’eau pour ces cétacés semi-aquatiques. De plus, la morphologie de leur cochlée indique que leur capacité auditive était proche de celle de leurs cousins terrestres et que les spécialisations relatives aux capacités auditives remarquables des cétacés modernes (i.e. sensibilité aux infra- ou ultrasons) se sont opérées après la séparation historique entre les mysticètes et les odontocètes.La deuxième partie de ce travail (II) se concentre sur les origines de l’amphibiose au sein des Cetancodonta, à travers l’étude de plusieurs familles fossiles, connues pour leurs liens étroits au milieu aquatique. L’étude de la région auditive des hippopotamoïdes (Anthracotheriidae + Hippopotamidae), révèle que l’adaptation à un mode de vie semi-aquatique est apparue plusieurs fois, de façon convergente, dans son histoire évolutive et semble d’ailleurs indiquer une origine terrestre pour ce groupe. Quant au raoellidé Indohyus, son complexe pétro-tympanique présente une combinaison de caractères suggérant un certain degré d’adaptation au milieu aquatique, mais l’étude fonctionnelle de sa cochlée indique que ce taxon ne pouvait très probablement pas entendre de façon efficace sous l’eau. Pour finir, le dernier point de cette thèse explore également le potentiel phylogénétique de la région auditive à travers une analyse construite sur des caractères morphologiques du pétreux et du labyrinthe osseux à l’échelle des artiodactyles. Pour la première fois, les résultats de notre analyse concordent avec ceux des analyses moléculaires. Parmi les points les plus notables, le clade des Cetancodonta est bien soutenu par la morphologie du pétreux et la position d’Indohyus suggère fortement que les raoellidés sont des cétacés.Ainsi, la région auditive s’avère être un élément essentiel d’un point de vu phylogénétique et morphofonctionnel. En effet, comme nous avons pu le voir tout au long de cette thèse, lorsque la nature complexe et variée de la région auditive est appréhendée dans son ensemble, elle permet d’inférer l’écologie d’un taxon donné et d’en apprendre davantage sur ses relations de parenté. Par conséquent, la région auditive est encore loin d’avoir dit ses derniers mots... et nous n’avons pas encore fini d’en entendre parler.