Thèse soutenue

Intégrer des approches expérimentales et d’évolution moléculaire en génomique de la spéciation afin d’identifier les mécanismes impliqués dans la divergence entre bar atlantique et loup méditerranéen
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Auteur / Autrice : Maud Duranton
Direction : François BonhommePierre-Alexandre Gagnaire
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Génétique et génomique
Date : Soutenance le 15/11/2019
Etablissement(s) : Montpellier
Ecole(s) doctorale(s) : GAIA (Montpellier ; École Doctorale ; 2015-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des sciences de l'évolution (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Carole Smadja
Examinateurs / Examinatrices : François Bonhomme, Pierre-Alexandre Gagnaire, Carole Smadja, Christophe Lemaire, Laurence Després, Tatiana Giraud
Rapporteurs / Rapporteuses : Christophe Lemaire, Laurence Després

Résumé

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La spéciation est un processus évolutif conduisant à la formation de nouvelles espèces grâce à l’établissement progressif de barrières d’isolement reproductif entre populations en cours de divergence. Comprendre de quoi sont constituées ces barrières, quelles sont les forces évolutives ayant permis leur mise en place et comment elles impactent la valeur sélective des individus hybrides sont des questions fondamentales en biologie évolutive. Cependant, répondre à ces questions en étudiant de vraies espèces qui n’interagissent plus au travers d’échanges génétiques peut s’avérer difficile, tant les barrières d’isolement reproductif sont nombreuses. C’est pourquoi nous avons choisi d’étudier dans cette thèse le bar européen (Dicentrarchus labrax), une espèce de poisson marin subdivisée en deux lignées évolutives en cours de spéciation, et représentées par les populations atlantique (bar) et méditerranéenne (loup). Afin de comprendre comment la divergence s’est établie et maintenue entre ces deux lignées au cours du temps, nous avons combiné plusieurs approches. Dans un premier temps, une étude de génomique des populations réalisée sur des individus sauvages nous a permis de préciser le contexte démographique dans lequel la divergence a eu lieu et d’identifier les mécanismes évolutifs ayant permis à la différenciation génétique de s’établir. Nous avons ainsi confirmé que les variations chromosomiques du taux de recombinaison influencent le maintien dans le génome d’allèles impliqués dans l’isolement reproductif. Les locus d’isolement occupent des régions où les niveaux de divergence nucléotidique sont particulièrement élevés. Nous avons pu relier ces excès de divergence à la présence d’allèles anciennement introgressés. En effet, des échanges génétiques semblent avoir eu lieu il y a près de 80000 ans entre la population de bar atlantique et une espèce proche, le bar moucheté (Dicentrarchus punctatus). Nos inférences montrent que ces échanges ont très probablement facilité la mise en place de l’isolement reproductif entre les deux lignées actuelles de bar européen. Dans un deuxième temps, nous avons étudié les signatures d’évolution moléculaire des gènes qui participent à l’isolement reproductif. Nous avons montré que ce sont principalement des gènes sous fortes contraintes évolutives subissant de fortes pressions de sélection purificatrice. Dans un troisième temps, nous avons utilisé des croisements expérimentaux afin de déterminer s’il existe une dépression d’hybridation chez les premières générations hybrides rencontrées en nature. Nous avons ainsi pu constater que la valeur sélective d’individus issus d’une première génération de rétrocroisement n’était pas inférieure à celle de leurs parents méditerranéens. Nos résultats montrent au contraire que les allèles d’origine atlantique sont favorisés chez ces hybrides au niveau des locus d’isolement, c’est-à-dire là même où ils sont contre-sélectionnée sur le long terme. La sélection agissant sur les haplotypes atlantiques introgressés suit donc une dynamique temporelle complexe. Ainsi, cette thèse aura influencé la vision classique du processus de spéciation allopatrique, généralement assimilé à une accumulation progressive d’une divergence génétique facilitée par l’absence de flux génique. Ici, nous avons montré que des échanges génétiques anciens avec une troisième lignée ont probablement accéléré l’émergence de l’isolement reproductif entre les deux lignées de bar. De plus, nous avons montré que l’isolement reproductif ne résulte pas d’une forte contre-sélection des hybrides de premières générations, mais d’une dynamique de sélection plus complexe des fragments introgressés, dont le sens s’inverse au fil des générations. Cette thèse montre que la sélection en liaison, en interaction avec les variations locales du taux de recombinaison, joue un rôle fondamental dans la mise en place et le maintien de l’isolement reproductif.