Thèse soutenue

La fabrique de l'(im)puissance : une critique de la RSE dans le cas Weda Bay Nickel

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Auteur / Autrice : Clara Roussey
Direction : Florence Palpacuer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de gestion
Date : Soutenance le 12/02/2019
Etablissement(s) : Montpellier
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Economie Gestion de Montpellier (2015-.... ; Montpellier)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Montpellier Research in Management
Jury : Président / Présidente : Gérald Naro
Examinateurs / Examinatrices : Florence Palpacuer, Gérald Naro, Véronique Perret, Olivier Germain, David Courpasson, Maya Leroy
Rapporteur / Rapporteuse : Véronique Perret, Olivier Germain

Mots clés

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Résumé

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La question des implications sociales et environnementales des activités économiques et de leur gestion ou gouvernance traverse aujourd’hui largement le champ académique des sciences de gestion. Pour autant, le potentiel transformateur de cette RSE continue largement de poser question. Les auteurs nourrissant une analyse critique de cette dernière arguent que, plus qu’une transformation ou qu’une démocratisation des espaces de régulation de problématiques sociales et environnementales devenues transnationales, la RSE serait à resituer dans une analyse des rapports de force à l’œuvre. A défaut d’inclure les différents intérêts en présence, la RSE prendrait finalement la forme d’un pouvoir discursif offrant au contraire le maintien et la perpétuation de pratiques et asymétries de pouvoir inchangées, et marginalisant les opposants ou témoins susceptibles de contrevenir à cette continuité. Inscrit dans le courant des perspectives critiques en management, ce travail doctoral s’est donné pour projet de venir comprendre et mettre au jour les rouages et procédés permettant l'édification d’une puissance industrielle à même de fermer les issues en sa défaveur et d’assurer les conditions de sa propre perpétuation. Ce travail accorde en particulier une place centrale aux implications et aux marges de l’histoire, offrant de considérer les moyens dévolus à la mise en impuissance des contestations et tentatives de remise en cause de cet ordre dominant, et dans le conteste de politiques de RSE. Quelles modalités, mécanismes ou boîtes noires viennent sous-tendre le processus de légitimation des entreprises vis-à-vis des externalités sociales et environnementales qu’elles produisent ? Quelles techniques ou technologies du pouvoir viennent-elles mobiliser pour se constituer en macro-acteurs légitimes ? Comment permettent-elles leur maintien et leur renouvellement en dépit des conflits, des contestations et des dénonciations venant les remettre en cause ? Pour permettre l’analyse de ces différents points, une étude exploratoire fut réalisée et prolongée de l’étude du cas Weda Bay Nickel, projet minier développé par la multinationale française Eramet dans une lointaine Indonésie. Inscrite dans une posture constructiviste pragmatique, la démarche qualitative adoptée cherchait à comprendre et à déconstruire ce projet minier, présenté comme exemplaire en matière de RSE et pourtant largement contesté, par la recension systématique des documents produits et publiés à son sujet, la réalisation d’interviews auprès de diverses parties prenantes (N=41), ainsi qu’une ethnographie de trois semaines principalement effectuée dans la baie de Weda, et plus largement dans la province indonésienne des Moluques du Nord, constituant le théâtre de son implantation.Inscrit dans la tradition des postures analytiques descriptives et narratives, ce travail doctoral propose une mise en récit processuelle du cas offrant de caractériser le contexte de fabrication d’une puissance WBN et de mettre au jour sa transformation d’hypothèse spéculative en projet de développement ne pouvant plus qu’advenir, produit des contingences de l’histoire, de la nécessité de retour sur investissement auto-générée et d’un réseau d’intérêts bien compris. Par ailleurs, la mise en impuissance des contestations, révoltes et mobilisations s’étant faites jour à son encontre sera également étudiée, de sorte qu’elle se voit reconnaître sa place de produit des échecs successifs subis par une contestation bien réelle et active. Aussi, plus qu’un pendant inéluctable de la puissance, l’impuissance collective des acteurs s’étant opposés au projet minier WBN se présentera comme un construit, le produit d’une fabrique où les pouvoirs de cadrage et de contrainte des partisans de la mine apparaissent finalement moins empreints d’une quête de légitimation, qu’apparentés à un processus d’écrasement vécu comme indiscutable et irréversible par les parties prenantes sans pouvoir.