Thèse soutenue

La lutte pour la verticalité : analyse pragmatique et dispositionnaliste d’une école d’arts martiaux
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Auteur / Autrice : Christophe Gobbé
Direction : Bastien SouléAurélie Epron
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences et techniques des activités physiques et sportives
Date : Soutenance le 14/11/2019
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'éducation, psychologie, information et communication (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscription : Université Claude Bernard (Lyon ; 1971-....)
Laboratoire : Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (Villeurbanne, Rhône)
Jury : Président / Présidente : Claire Perrin
Examinateurs / Examinatrices : Bastien Soulé, Aurélie Epron, Niko Besnier, Martine Court, Matthieu Delalandre
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-François Loudcher, Jérôme Gilbert Beauchez

Résumé

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Cette thèse porte sur un art martial, l’aikibudo, « fondé » au début des années 1980 par le Français Alain Floquet. Âgé de presque 80 ans, celui-ci tente, depuis quelques années, de transmettre progressivement la responsabilité technique de son école. Cette transmission intensifie des tensions entre les successeurs potentiels – ceux que nous avons appelés les maîtres. Ainsi, l’organisation de la discipline doit-elle se moderniser ou garder un caractère « traditionnel » ? Avec une forme technique plus éthérée ou plus réaliste ? Et quelle devrait-elle la place de chacun dans la future organisation ? De leur point de vue, les maîtres considèrent le plus souvent ces tensions comme des luttes d’ego ou encore des luttes de pouvoir. Il semble pourtant qu’elles ne relèvent pas que de la seule rationalité instrumentale. Telle est l’hypothèse générale de cette recherche. Pour mener à bien cette recherche, deux cadres théoriques jusqu’ici peu articulés ont été croisés : la sociologie pragmatique de Boltanski et Thévenot (1991) qui permet d’appréhender les arrière-plans axiologiques de ces tensions ; le programme dispositionnaliste proposé par Lahire (2012) qui s’attache aux dispositions des individus observés et aux contextes (macro et micro sociaux) dans lesquels ils agissent. L’enquête menée repose sur un volet qualitatif (observation participante, entretiens semi-directifs) et un volet quantitatif (analyse sociodémographique des pratiquants et questionnaire en ligne). Elle conduit à deux résultats principaux. Il en ressort d’abord que derrière l’apparente unité du discours des maîtres sur l’aikibudo, on peut distinguer trois modes d’engagement dans la discipline : l’engagement militaire, l’engagement artistique et l’engagement sportif. Chacun de ces modes d’engagement se traduit par des forme spécifiques de pratique, un attachement plus ou moins fort à la tradition, et un type de rapport de l’individu au groupe. De la sorte, on met en évidence la dimension morale des tensions dont l’enjeu est une reconfiguration et une redéfinition de la discipline au moment où le fondateur délègue progressivement la direction de son école. Par ailleurs, l’aikibudo n’est pas, pour ceux qui s’y engagent fortement, qu’un espace trivial de loisir. Il constitue le lieu central et symbolique d’une quête soi d’autant plus dense que l’individu a subi, préalablement, des expériences douloureuses, des formes d’humiliation ou de violence. Ainsi, les tensions apparaissent sous un autre jour. Leur virulence s’explique par le sens que les individus trouvent dans leur engagement dans l’aikibudo : une parabole de leur lutte pour la verticalité entendue comme un redressement et une élévation de soi. L’accès au statut de maître marque la reconnaissance de cette lutte que les haut-gradés mènent depuis plusieurs décennies. Mettre en doute leur qualité ou leur compétence de maître, c’est comme affecter ce qui fonde l’identité qu’ils ont pu construire, dans et au-delà de l’espace clos du dojo