Thèse soutenue

Mécanismes et bénéfices de l'agrégation hétérospécifique chez les larves nécrophages

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Auteur / Autrice : Larissa Komo
Direction : Damien Charabidzé
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie des organismes
Date : Soutenance le 29/11/2019
Etablissement(s) : Université de Lille (2018-2021)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Biologie-Santé (Lille ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Unité de Taphonomie Médico-Légale (UTML) - Unité de Taphonomie médico-légale et Anatomie - ULR 7367 / UTML&A

Résumé

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Le nécrobiome définit la communauté impliquée dans le processus de décomposition de la biomasse morte (la nécromasse). Cette communauté comprend de nombreux invertébrés et microorganismes différents qui se rassemblent sur des sites spécifiques de la nécromasse. Les mouches à viande jouent un rôle important en tant que premiers organismes décomposeurs, dont les larves (asticots) forment de grandes masses sur les cadavres. Ces regroupements spatial et temporel peuvent être constitués soit d'une espèce (agrégations conspécifiques), soit de plusieurs espèces différentes plus ou moins proches phylogénétiquement (agrégations hétérospécifiques). Cette dernière est supposée aboutir à une relation mutuellement bénéfique, c’est-à-dire entraînant des avantages partagés ne pouvant être obtenus par la seule présence de congénères.Cette thèse s’intéresse aux agrégations hétérospécifiques de trois espèces de Diptères Calliphoridae communes : Calliphora vomitoria, C. vicina et Lucilia sericata. Premièrement, je démontre dans un premier temps que l’agrégation de ces larves résulte de comportements actifs, et notamment de mécanismes de choix en faveur des groupes hétérospécifiques. Deuxièmement, je montre que dans de telles agrégations hétérospécifiques, aucune des deux espèces n'a de désavantages immédiats par rapport à une agrégation conspécifique de même densité en termes de survie, de développement et de taille. Au contraire, des avantages sont obtenus dans au moins un caractère lié à la fitness à des températures en dehors de la gamme optimale de température spécifique à l'espèce. Il est intéressant de noter qu'au sein d'agrégations larvaires hétérospécifiques, l'espèce qui se trouve à une température sous-optimale adapte son développement lent à celui des espèces mieux adaptées. Troisièmement, j'observe que C. vicina avec un développement larvaire rapide pendant la phase d'alimentation se développe plus lentement dans la phase post-alimentation et nymphale (par opposition à L. sericata). Quatrièmement, je démontre qu'un développement accéléré est compensé différemment par les deux espèces. En fait, j'ai observé une concurrence asymétrique, C. vicina étant le concurrent le plus faible. Par exemple, un développement larvaire rapide a entraîné une augmentation de la mortalité pré-adulte et une réduction de la taille des puparia de C. vicina à des températures sous-optimales. En revanche, un développement rapide n'a eu aucune conséquence négative sur la taille et la survie de L. sericata. Cette plasticité développementale peut expliquer le succès évolutif des larves de L. sericata, qui sont présentes dans plusieurs écosystèmes à travers le monde et qui dominent l'écosystème des cadavres frais. Sur cette base, je postule que l'agrégation hétérospécifique des larves de diptères nécrophages est un mécanisme adaptatif facilitant leur succès pré-reproductif dans un environnement particulièrement compétitif et in fine leur fitness.En conclusion, j'ai démontré dans cette thèse des avantages des agrégations hétérospécifiques pour les larves en termes de taille, de survie ou de développement, et surtout, un compromis entre ces caractères. De plus, la pression sélective agit différemment sur les caractères en fonction, parmi d’autres facteurs, de l'espèce, de la composition du groupe et de la température. Enfin, ces résultats n’ont pas seulement un intérêt écologique, mais également applicatif. L'entomologie médico-légale utilise en effet ces larves pour dater le décès. Les conclusions de cette thèse indiquent que la taille et la composition des groupes larvaires peuvent constituer une source d’erreur pour le calcul de l’intervalle post-mortem minimum.