Éducation, protection et contrôle de la jeunesse : contribution à une sociologie des professionnel-le-s de la prise en charge socio-judiciaire
Auteur / Autrice : | Saïda Houadfi |
Direction : | Dominique Duprez |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 04/07/2019 |
Etablissement(s) : | Université de Lille (2018-2021) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences économiques, sociales, de l'aménagement et du management (Lille ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) |
Résumé
''C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer.'' Amin Maalouf, Les identités meurtrières, 1998. Ces trois dernières décennies ont vu une juxtaposition de dispositifs censés répondre à la délinquance juvénile. Notre thèse est une réflexion sur le traitement de celle-ci par une partie des acteurs et des actrices de la chaîne de la réaction sociale, sur la conception et la configuration de la justice des mineur-e-s, tant au civil qu’au pénal. Elle se fonde sur la façon dont les professionnel-le-s de l’éducation, notamment, déterminent et président aux choix institutionnels de réponses à cette question éminemment sociale et indubitablement politique. Si, en droit, la loi pénale se dote de spécificités en fonction de l’âge, elle se doit d’être aveugle au sexe, au genre et à l’ethnie. En effet, dans sa conception, en tant qu’institution, mais surtout en tant qu’idéal, la justice vise à dépasser l’arbitraire. Par le biais des institutions chargées de sa matérialité, par les acteurs et actrices de celles-ci, et les actes par lesquels s’opérationnalise le contrôle de la jeunesse, elle n’est, toutefois, étanche ni au système patriarcal, ni au prisme de l’ethnicisation. En dépit de l’expression de volontés manifestes d’égalité, les pratiques et discours des professionnel-le-s rencontré-e-s témoignent d’une mise en œuvre différenciée, selon les représentations véhiculées et portées sur tel ou tel marqueur identitaire, donnant à l’application de ces politiques de protection ou de punition de la jeunesse, un genre ou encore une coloration ethnique qui se superposent, voire s’entremêlent. En s’acquittant de l’apprentissage de la conformité aux mineur-e-s confié-e-s sur décision judiciaire, les professionnel-le-s participent à la perpétuation d’assignations pré déterminées : les mécanismes de (re) production institutionnelle de sous catégories révèlent alors un net écart entre le traitement des garçons et celui des filles. Ils dévoilent, par ailleurs, les tensions soutenues entre injonction à l’individualisation des réponses et difficulté à dépasser la dichotomie féminin/masculin, figeant, en quelque sorte, dans un registre biologique, les grilles d’analyse des comportements des adolescent-e-s. S’il s’agit, pour les un-e-s comme pour les autres, de rectifier les processus d’intériorisation de normes sociales en échec et de former des sujets responsables de leurs actes, le prisme du genre divulgue le laborieux ou plus précisément, l’impossible pari de l’individualisation. Il met ainsi en lumière un contrôle différencié des garçons et des filles qui, pour les premiers, s’élabore à partir de l’acte de délinquance, mais qui, pour les secondes, est davantage guidé par une idée si ce n’est une idéologie de la féminité. Les trajectoires individuelles s’en trouvent impactées : là où les filles voient les leurs possiblement réversibles, les garçons sont, en quelque sorte, « condamnés à la pénalité ». Le genre offre, par ailleurs, en sa qualité de catégorie d’analyse, l’opportunité d’observer une division sexuée des tâches entre hommes et femmes au travail. De surcroit, par le truchement de l’intersectionnalité, la mobilisation du versant ethnique connote les prises en charge. Une modélisation des pratiques des professionnel-le-s se dessine alors, témoignant de la difficulté à accompagner dans les processus de socialisation, la formation de l’individualité et l’émergence d’une conscience apte à faire des choix. Pour rendre possible la relation éducative, quelles sont les pratiques effectives ? Quelles contraintes reposent sur les acteurs et les actrices ? Quelles sont les incidences que cette modélisation induit sur les jeunes ?