Thèse soutenue

L’Atome de la Discorde : évolutions de la politique nucléaire de l’Union européenne de 2000 à 2016

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Auteur / Autrice : Eva Deront
Direction : Sabine Saurugger
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 11/03/2019
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France)
Jury : Président / Présidente : Simon Persico
Examinateurs / Examinatrices : Charlotte Halpern, Marc Deffrennes
Rapporteurs / Rapporteuses : Nikolaos Zahariadis, Stephen Thomas

Résumé

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Cette thèse étudie les conditions et l’ampleur des évolutions de la politique nucléaire de l’Union européenne, de 2000 à 2016. Depuis le milieu des années 1990, plusieurs événements – ou « fenêtres d’opportunité » selon la terminologie du Multiple Streams Framework – ont remis les politiques nucléaires au centre de l’attention des décideurs européens : l’adhésion de nouveaux Etats membres en 2004 ; différentes Présidences du Conseil et nominations de Commissaires ayant pris clairement position sur les questions nucléaires ; l’accident de Fukushima de mars 2011 ; et enfin, les deux sorties du nucléaire allemandes, en 2000 et 2011.La première partie de ce travail est consacrée à l’analyse de l’ampleur du changement introduit par les directives adoptées durant la période étudiée: les directives sûreté réacteur de 2009 et 2014, ainsi que la directive déchets radioactifs de 2011. La deuxième partie étudie les facteurs de stabilité qui ont empêché la mise à l’agenda ou l’adoption de certaines propositions, comme les politiques d’harmonisation des régimes de responsabilité civile ou comme les tentatives d’abolition du traité Euratom.Parmi les différentes variables testées, des coûts de mise en œuvre limités, ainsi que l’existence d’indicateurs pour un problème donné, sont apparus comme des conditions nécessaires (mais non suffisantes) pour un changement de politique.La variable la plus pertinente pour expliquer les changements contenus dans les directives adoptées est l’évolution de la place d’un problème dans les priorités des acteurs. L’accident de Fukushima n’a modifié ni les conditions objectives d’existence d’un problème, ni, sur le long terme, les priorités des Etats Membres ou du secteur nucléaire. Ainsi, les propositions post Fukushima tendant à augmenter le rôle de la Commission européenne ou une calibration plus stricte des mesures de sûreté ont donc été partiellement rejetées, pour finalement aboutir à une révision de la directive sûreté, en 2014, avec peu de changements. De même, la priorité accordée à la résolution des problèmes nationaux liés à gestion des déchets radioactifs a abouti à l’adoption d’une directive incluant des mesures plus précises.Les principaux changements ayant eu lieu dans les directives étudiées concernent leur logique instrumentale et leur calibration ; aucun changement n’a été observé dans les buts ou les orientations générales de la politique nucléaire de l’UE. La politique nucléaire de l’UE semble ainsi particulièrement stable.Cette thèse met en évidence plusieurs facteurs d’inertie des politiques et institutions d’Euratom, malgré l’action d’entrepreneurs politiques : le haut niveau de méfiance entre acteurs, la délégation de la sûreté à des agences indépendantes, la dépendance au sentier liée à la technologie nucléaire, et la flexibilité « incorporée » dans Euratom. Ces facteurs réduisent le nombre d’entrepreneurs politiques potentiellement efficaces ainsi que l’éventail de leurs stratégies pour promouvoir un changement. En plus des facteurs institutionnels, la stabilité des politiques et institutions est également promue par des veto players.Néanmoins, les problèmes récents auxquels est confronté le secteur nucléaire européen (intégration croissante de sources d’énergie renouvelable, difficultés économiques) érodent les conditions de reproduction et de stabilité des institutions d’Euratom. Cet aspect se traduit notamment dans le progressif retrait du nucléaire des communications officielles mentionnant les sources d’énergie à développer pour remplir les objectifs de l’Union.En se basant sur le MSF et sur l’institutionnalisme historique, cette thèse démontre ainsi que les évolutions de la politique nucléaire de l’UE requièrent trois conditions : l’action d’un entrepreneur politique, l’émergence d’un problème dans les priorités des principaux acteurs et, pour des changements d’orientation ou d’institution, l’érosion des mécanismes de reproduction.