Thèse soutenue

Récits concurrents dans la monarchie austro-hongroise : politique et visions de l'histoire (1867-1914)

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Auteur / Autrice : Imre Tarafás
Direction : Marie-Vic Ozouf-MarignierGábor Czoch
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 18/10/2019
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Loránd Eötvös tudományegyetem (Budapest). Bölcsészettudományi kar
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Gábor Sonkoly
Examinateurs / Examinatrices : Gábor Sonkoly, Jacques Le Rider, Marie-Élizabeth Ducreux-Lakits, Gergely Romsics
Rapporteurs / Rapporteuses : Gábor Sonkoly, Jacques Le Rider

Résumé

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L’objectif de la thèse est l’analyse comparative des historiographies austro-allemande et hongroise, en effleurant l’historiographie tchèque, entre 1867 et 1914. Les questions fondamentales de la légitimité de l’empire supranational et de la coexistence des sociétés nationales ayant un passé conflictuel sont examinées dans les différents Grands récits. Les sources principales sont les Grands récits austro-allemand, hongrois et tchèque, publiés entre 1867 et 1914 avec le but de façonner la mémoire collective directement. Les représentations réciproques des rôles et missions historiques, ainsi que l’utilisation des notions-clés relatives à la loyauté politique y sont examinées. La question principale est de savoir dans quelle mesure ces Grands récits historiques sont compatibles les uns avec les autres, et de voir s’ils offrent un pacte mémoriel permettant la coexistence au sein d’un empire commun. Pour répondre à cette question, il ne suffit pas de s’en remettre aux Grands récits ; les différents raisonnements historiques des pamphlets politiques austro-allemands et hongrois de l’époque traitant l’arrangement dualiste sont analysés en effleurant les Tchèques, ainsi que les buts idéologiques de la science historique chez ces trois groupes. Dans le cas hongrois et austro-allemand, l’usage des notions-clés comme nation, nationalité, Vaterland, Gesamtstaat ou encore Östrerreich, est également analysé. Dans la deuxième partie de la thèse, nous examinons comment la discipline, qui a revendiqué avec de plus en plus de succès, le droit du discours légitime sur le passé, se rapportait, d’une manière plutôt implicite, aux constructions historiques différentes de la sphère politique. Les catégories les plus importantes de l’analyse sont, au-delà du pacte mémoriel, le canon et le master narrative. La conclusion la plus importante est que, dans les Grands récits hongrois, les principaux éléments du master narrative des hommes politiques indépendantistes prévalent, chez l’« aulique » Fraknói aussi bien que chez l’indépendantiste Acsády. De plus, l’ordre des valeurs trouvées dans les récits hongrois donne une place centrale à l’indépendance. Chez les auteurs austro-allemands, c’est la diversité qui saute aux yeux lors de l’analyse des sources. Nous n’y trouvons pas de consensus même à propos de plusieurs notions de base (comme, par exemple, le Gesamtstaat). Pour cette raison, il ne s’agit pas de transmettre une quelconque idéologie impériale dépassée, mais plutôt de l’absence d’une idéologie impériale uniformément transmise, bien qu’il n’y ait pas de sentiment anti-autrichien ouvert non plus. L’image de l’Autriche chez l’auteur tchèque examiné, Josef Pekař, est essentiellement identique à celle de František Palacký qui insiste sur un arrangement fédéral et sur la reconnaissance de l’État tchèque. En même temps, on ne peut pas démontrer une sympathie envers les Slaves de Hongrie chez Pekař. En examinant les rapports des Grands récits entre eux, on constate que les récits impériaux n’ont pas servi de master narrative pour les auteurs hongrois ou tchèques. Pour cela, les interprétations du passé par les historiens examinés étaient trop diverses et s’opposaient même dans des questions fondamentales. Ainsi, un pacte mémoriel n’a pas pu naître. De plus, l’incertitude conceptuelle des récits impériaux nous rappelle de ne pas exagérer la thèse de la viabilité de l’Empire, suggérée récemment par plusieurs auteurs éminents.