Auteur / Autrice : | Justine Rochot |
Direction : | Isabelle Thireau, Tania Angeloff |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 07/10/2019 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Jean-Philippe Viriot Durandal |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Philippe Viriot Durandal, David A. Palmer, Cécile Van de Velde | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Philippe Viriot Durandal, David A. Palmer |
Mots clés
Résumé
Cette thèse part du constat d’une intensification du nombre de personnes âgées se rassemblant dans l’espace public pour s’engager dans des activités collectives, depuis le début des années 2010 en Chine urbaine – un phénomène exemplifié par les controverses entamées en 2013 au sujet des « danses de place » (广场舞) pratiquées par des millions de femmes âgées jugées trop bruyantes. Dans une perspective de sociologie de la vieillesse et des sociabilités, attentive aux significations investies par les acteurs dans leurs expériences quotidiennes, j’ai souhaité interroger cette intensification des rassemblements de personnes âgées en la confrontant à l’expérience récente de l’entrée en retraite de la première cohorte de parents d’enfant unique, nés et grandis sous le maoïsme, qui composent très majoritairement ces espaces. La pratique ethnographique, attentive à « suivre les acteurs » et à « les laisser déployer leurs propres mondes » (Latour, 2007) m’a permis, à partir d’une première enquête dans un parc pékinois, de prendre la mesure de la multiplicité des espaces de sociabilité intra-générationnelle entre lesquels ces jeunes retraités circulaient en réalité. Parcs et places publiques, bien entendu, mais aussi centres de boursicotage et marchés matrimoniaux, centres d’activité de quartier ou pour cadres retraités, voyages organisés, groupes de discussion numérique ou entreprises de compléments alimentaires sont dès lors apparus comme un réseau cohérent de pratiques et d’espaces investis par nombre de jeunes retraités urbains.Partant d’enquêtes menées à Pékin et Kunming entre 2014 et 2016, ce réseau est analysé dans la thèse de manière double. D’un côté, mon travail s’attache à analyser les différents « styles de groupes » (Eliasoph, 2003) dans lesquels s’engagent les jeunes retraités, les formes de liens qu’ils y nouent et les significations qu’ils y investissent au regard de leurs parcours de vie, de leur entrée en retraite et des mutations des relations intergénérationnelles. Quatre études de cas, présentées en autant de chapitres, permettent à ce titre de saisir la diversité des manières de s’associer chez ces jeunes retraités : la Chorale du Soleil rassemblant des personnes peu familières dans un parc pékinois ; l’Escadron de la Joie, un groupe d’anciens « Jeunes instruits » envoyés ensemble à la campagne à la fin des années 1960 et se retrouvant aujourd’hui sur une place publique de Kunming pour faire du taiji ; le Longevity Group, une entreprise pékinoise de compléments alimentaires à base de médecine chinoise, structurée sous une forme proche du schème pyramidale ; et l’Université pour personnes âgées du Yunnan, une institution fortement encadrée par l’État-Parti. D’un autre côté, au-delà de ces singularités, cette thèse ambitionne de prendre au sérieux les « airs de famille » forts qui se dégagent de ces différents espaces, et d’analyser de manière plus structurelle ce que signifient ces ressemblances : l’émergence d’un « troisième âge » chinois ainsi que d’une conscience d’âge et de génération entre personnes partageant des inquiétudes et des intérêts communs ; mais aussi la mobilisation de modes d’action et de ressources générationnellement partagées pour donner du sens au vieil âge dans un contexte social marqué par l’incertitude – ressources parmi lesquelles la production de la joie collective occupe une place prépondérante.