Thèse soutenue

Se faire un platz dans la ville : pratiques d’habitat informel, expériences de l’accès aux droits et mobilisations de familles roumaines vivant en bidonville

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Auteur / Autrice : Céline Véniat
Direction : Daniel Cefaï
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 14/10/2019
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Liora Israël
Examinateurs / Examinatrices : Liora Israël, Agnès Deboulet, Patrick Simon, Tommaso Vitale
Rapporteurs / Rapporteuses : Agnès Deboulet, Patrick Simon

Résumé

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A partir d’une enquête ethnographique menée dans différents bidonvilles en région parisienne, ma thèse vise à décrire les pratiques d’habitat informel, l’expérience de l’accès aux droits et les mobilisations des familles roumaines vivant en bidonville. La première partie porte sur l’expérience de l’habitat et les pratiques d’appropriation et de récupération dans l’espace de la ville des familles vivant en bidonville. La deuxième partie est consacrée à leur parcours d’accès aux droits, en particulier la scolarisation et la santé, et aux pratiques discriminatoires qu’elles rencontrent. La troisième partie se concentre sur les pratiques de mobilisations mises en œuvre par les familles et leurs soutiens dans les espaces politiques et judiciaires pour défendre leur lieu de vie.La description de la vie quotidienne dans un platz donne à voir des pratiques d’aménagement et des relations de sociabilité familiale et de voisinage. La baraque constitue un espace habité dans lequel chaque famille s’aménage un chez-soi en soignant son intérieur au gré des tournées de récupération et se ménage un lieu protégé de l’extérieur dans lequel prennent place des relations familiales de sociabilité ordinaire. Les tâches domestiques et les activités de travail occupent une bonne partie des journées et s’organisent le plus souvent selon une répartition genrée. Les habitants mobilisent leurs compétences citadines pour mettre en œuvre des pratiques d’occupation, d’appropriation, de récupération et de circulation dans la ville. Ils mettent à profit la disponibilité de terrains disponibles en adoptant une stratégie de repérage et d’installation discrète en lien avec une circularité et un ancrage territorial.Mon accès au terrain par le regard des enfants permet de donner à voir la sociabilité enfantine dans le platz et l’expérience quotidienne de l’école et du racisme ordinaire dans leurs relations avec les autres élèves. L’accès à la scolarisation est entravé par le traitement discriminatoire des mairies et notamment la difficulté à faire reconnaître le bidonville comme un lieu de résidence. La description de l’activité de médiation dans les platz et d’accompagnement auprès des centres de santé permet de pointer les difficultés rencontrées par les familles du fait de leur précarité résidentielle et du mauvais accueil qui leur est réservé. On s’intéressera notamment au parcours d’une jeune femme roumaine qui a connu plusieurs expulsions durant sa grossesse et dont les enfants ont subi diverses pathologies importantes.Suite à l’annonce d’une expulsion, les habitants du platz se mobilisent devant la justice pour défendre le droit de rester dans leur lieu de vie. Après le passage de la police notifiant la décision d’expulsion, les habitants contactent un avocat, et avec la complicité des acteurs associatifs, ils collectent des preuves de leurs démarches d’insertion et des photos des baraques pour attester du caractère habité du lieu en vue de préparer leur défense. Les habitants expriment également leurs émotions et tentent de convertir leur expérience située des expulsions en mobilisation. La description déroulera les étapes de la mobilisation, de la réaction sensible des habitants et soutiens à l’élaboration d’un communiqué de presse portant la parole collective, puis à la publicisation du problème d’abord à l’échelle du réseau militant local puis au niveau national. On insistera sur l’imbrication et la simultanéité entre l’action conjointe de différents cercles d’acteurs affectés, concernés et engagés dans la résolution du problème, et l’articulation entre pratiques de publicisation et négociations informelles en coulisses. Face à la désillusion suscitée par l’échec des négociations avec la mairie, les habitants et leurs soutiens proches choisiront de se recentrer sur un modèle de discussions informelles et de petits arrangements en vue d’un déménagement secret et concerté.