Thèse soutenue

Le récit des origines dans la « Estoria de España » d'Alphonse X le Sage (1252-1284)

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Auteur / Autrice : Soizic Escurignan
Direction : Ghislaine Fournès
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études iberiques et ibéro-américaines
Date : Soutenance le 23/10/2019
Etablissement(s) : Bordeaux 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : AMERIBER-Amérique latine, Pays ibériques (Pessac, Gironde)
Jury : Président / Présidente : Jean-Pierre Jardin
Examinateurs / Examinatrices : Ghislaine Fournès, Patricia Rochwert-Zuili, Corinne Mencé-Caster, Elvezio Canonica de Rochemonteix
Rapporteurs / Rapporteuses : Patricia Rochwert-Zuili, Corinne Mencé-Caster

Résumé

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La Estoria de España a été rédigée sous l’égide du roi Alphonse X le Sage, roi de Castille et du León (1252-1284). Elle retrace l'histoire de l'Espagne et plus spécifiquement de la Castille, des origines jusqu'au XIIIe siècle. Si beaucoup de chercheurs de renom ont étudié la Estoria, tous ces travaux, par ailleurs indispensables, ne proposent qu’une vision partielle de la chronique. Aucune étude d’ensemble n’a été consacrée au récit des origines jusqu’à Pelayo, alors qu’il nous semble que ce récit occupe justement un rôle fondamental dans la Estoria. Les 565 premiers chapitres ne peuvent être considérés comme un simple préliminaire sans aucune connotation politique. L’analyse des différents épisodes, des nombreux portraits, des structures mythiques, ainsi que des procédés d’écriture présents dans le récit nous ont permis de mettre au jour les liens entre la Estoria et l’idéal alphonsin.Nous avons ainsi mis en lumière les procédés utilisés par le Roi Sage pour construire l’ancienneté et le prestige de l’Espagne, seules qualités aptes à fonder la légitimité. Alphonse X se démarque à la fois de ses voisins européens – qui ont fondé leur ancienneté sur le mythe troyen – et de ses sources péninsulaires – focalisées sur des origines wisigothiques – et glisse vers ce que nous appelons un néo-gothicisme non exclusif, teinté de néo-romanisme. Désormais ce n’est plus tant d’une lignée réelle que le Roi Sage se prévaut, mais d’une lignée symbolique, politique, sapientielle et spirituelle. Il établit une continuité à deux niveaux, une continuité inscrite dans le temps long, la translatio imperii, et une continuité directe entre chaque fondateur, chaque roi exemplaire et lui-même. Ce transfert de puissance incessant permet au souverain de légitimer sa façon d’exercer le pouvoir. La chronique revendique ainsi un rôle de pasteur et de vicaire pour le roi qui n’a nul besoin de l’intercession ou de la tutelle de l’Église. Quant à la noblesse, elle est comme effacée de la chronique et placée dans une relation de dépendance vis-à-vis du roi. Chaque complication, chaque déconvenue rencontrées par Alphonse X dans la réalité semble ainsi trouver sa réponse dans la chronique. Mêlant habilement structures et topiques bibliques, antiques et médiévaux, le souverain développe un mythe de création nationale et célèbre un territoire et un passé communs, garants de l’identité hispanique. Le récit des origines se veut donc programmatique, et plus que cela, performatif. Il s’agit d’un projet total, à la fois modèle royal, sociétal et national.