Thèse soutenue

L’analyse non standard en France 1975-1995 : une dispute avortée

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Claude Lobry
Direction : Jean-Luc Gautero
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 10/09/2019
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche en histoire des idées (Nice) - Centre de recherche en histoire des idées / CRHI
établissement de préparation : Université de Nice (1965-2019)
Jury : Président / Présidente : Frédéric Patras
Examinateurs / Examinatrices : Frédéric Patras, Jean-Michel Salanskis, Annick Lesne, Markus van Atten, Jean-Marc Lévy-Leblond
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Michel Salanskis, Annick Lesne

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

L’Analyse Non Standard (l’ANS) est un formalisme mathématique particulier inventé dans les années 1960 par le mathématicien A. Robinson. Ce formalisme permet de renouer avec les infinitésimaux de Leibniz qui avaient été abandonnés au XIXème siècle pour satisfaire aux exigences nouvelles de la « rigueur ». Sa pertinence a été contestée par divers mathématiciens parmi les plus grands et a donné naissance à une polémique dans les milieux mathématiques français ; les partisans de l’ANS en sont sortis vaincus et ne se sont plus guère exprimés après 1995. Un quart de siècle plus tard l’ANS est considérée au plan international comme une pratique tout à fait légitime et certains mathématiciens, à leur tour parmi les plus grands, en préconisent l’usage.Pourquoi cette mauvaise réception d’idées nouvelles en mathématiques dans un pays réputé pour son excellence dans ce domaine ?Il est normal que des idées révolutionnaires, voire simplement nouvelles, rencontrent de la résistance et suscitent un débat. Toutefois on observe que ce débat qui commençait à prendre de l’importance au début des années 1980 a été étouffé dans les années 1990 par ceux qui avaient en charge les institutions de la communauté mathématique. Pourquoi ce refus du débat ?La thèse soutenue est que, à cette époque, une des fonctions que l’idéologie dominante assigne aux mathématiques est de dire le vrai ; par exemple les théories économiques libérales prétendent à la scientificité parce que fortement mathématisées. Ne dit-on pas c’est mathématique pour affirmer d’une chose qu’elle est inéluctable. Une dispute trop visible sur la nature de la rigueur mathématique aurait risqué de brouiller cette image du mathématicien. Dans le même ordre d’idées, à la même époque, la communauté mathématique (et plus généralement scientifique) avait refusé de débattre avec un de ses membres les plus brillants, A. Grothendieck, de la responsabilité sociale du savant.Cette question de la réception de l’ ANS illustre la thèse bien connue que si une science se développe en partie pour résoudre des problèmes qu’elle se pose à elle même, ici donner un statut logique irréprochable à la pratique des infinitésimaux, cette motivation interne ne suffit pas à elle seule à expliquer tous les aspects de son développement. Les savants doivent tenir compte de la société dans laquelle ils vivent. Il est intéressant de faire ce constat dans le domaine des mathématiques dites pures, c’est à dire qui se prétendent en dehors de toute contrainte et ne travailler que pour l’honneur de l’esprit humain, pour reprendre la célèbre formule de Jacobi.