Thèse soutenue

Les stratégies d'acteurs dans les collaborations scientifiques avec le Sud : chercheurs et agences de financement dans les sciences sociales

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Auteur / Autrice : Montserrat Alom Bartroli
Direction : Rigas Arvanitis
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 16/11/2018
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Rosa Aparicio Gómez
Examinateurs / Examinatrices : Rigas Arvanitis, Rosa Aparicio Gómez, Dominique Vinck, Michel Grossetti, Delphine Mercier
Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Vinck, Michel Grossetti

Résumé

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Au cours des dernières décennies la recherche scientifique a été marquée par une transformation des modes de financement. Autrefois financée plutôt sur des crédits récurrents, elle est aujourd'hui financée pour l'essentiel sur projets et par des appels à projets qui ont pour conséquence une compétition accrue. De plus, un certain nombre de politiques et de pratiques conduisent à définir un nombre limité de thématiques de recherche éligibles au financement. Ces évolutions, qui vont de pair avec l'essor des collaborations scientifiques internationales, ont entraîné des changements majeurs dans les communautés scientifiques, leurs activités et leurs productions en obligeant les chercheurs à rentrer dans une étroite relation avec les agences de financement. L'ancienne configuration mondiale de la recherche où un nombre réduit d'agences du Nord subventionnait des projets de recherche pour le développement du Sud a cédé face à la prolifération et la restructuration des agences de financement au Sud et au Nord. Sur la base de ces évolutions, nous nous sommes posés une double question: de quelle manière les chercheurs en sciences sociales mobilisent-ils les différents acteurs de la recherche (agences de financement, acteurs sociaux) dans le cadre de projets de recherche internationaux, depuis leur conception jusqu'à leur réalisation ? De quelle manière ces stratégies diffèrent-elles en fonction des modes organisationnels et des politiques des agences subventionnant les projets ? En nous appuyant sur la théorie de l'acteur-réseau de B. Latour et M. Callon, et notamment sur le concept d'« intéressement », nous examinons les stratégies de mobilisation des chercheurs participant à des projets de collaboration internationale en sciences sociales dans le cadre des opérations de traduction et des processus de production des connaissances caractérisant l'exercice de la recherche. Nous avons interviewé 59 chercheurs ayant participé à des projets financés par 3 agences de financement présentant des politiques de recherche et des modes de fonctionnement très différents : la Commission européenne (projets du 7ème PCRD), le Centre de Coordination de la Recherche (CCR) de la Fédération Internationale des Universités Catholiques, et le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) du Canada. Premièrement, nous avons enquêté sur les stratégies des chercheurs pour obtenir des fonds pour des recherches internationales et sur leurs formes d'appropriation des cadres cognitifs des agences. Les choix des thématiques retenues ont été examinés au prisme de leur spécialisation, de leur appartenance disciplinaire, des résultats issus de projets précédents, de la politique de leur institution de rattachement, de leurs motivations profondes, de la réalité des phénomènes étudiés dans leur contexte, ou encore des ressources disponibles. Deuxièmement, nous nous sommes penchés sur les stratégies permettant d'intéresser des acteurs non-académiques, et sur les dispositifs faisant le lien entre la recherche et la société dans les processus de mise en démocratie des sciences. Nous avons ainsi identifié les démarches permettant aux chercheurs d'associer des acteurs sociaux et politiques à leurs recherches et de porter leurs résultats hors des cercles académiques. Notre recherche permet de montrer des stratégies qui suivent un processus cumulatif dans le temps comme celui évoqué dans la théorie des « cycles de crédibilité » de B. Latour et S. Woolgar. De plus, ces stratégies nous permettent d'interpréter finement les processus nécessaires pour la réalisation des projets, qui divergent considérablement selon les chercheurs et les agences, mais qui soulignent la capacité des chercheurs du Sud à se positionner en tant qu'acteurs à part entière (acteurs-réseau). Ceci nous amène également à réinterpréter les collaborations internationales.