Le directeur d'école, un marginal au centre du système scolaire : analyse du pouvoir à l'école primaire
Auteur / Autrice : | Cécile Roaux |
Direction : | Anne Barrère |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de l'éducation |
Date : | Soutenance le 26/11/2018 |
Etablissement(s) : | Sorbonne Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019) |
Jury : | Président / Présidente : Régine Sirota |
Examinateurs / Examinatrices : Anne Barrère, Régine Sirota, Éric Debarbieux, Gilles Combaz, Jean-Paul Delahaye | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Éric Debarbieux, Gilles Combaz |
Mots clés
Résumé
Cette thèse explore la manière dont se construisent les relations de pouvoir dans les écoles primaires françaises, en se posant la question de la réalité du « pouvoir » des directions d'école. Le pouvoir est surtout entendu au sens crozierien, comme la maîtrise des zones d'incertitudes par les différents acteurs en présence. Les recherches françaises sont peu nombreuses sur la question des directions d'école primaire, alors même qu'elles abondent sur la question des chefs d'établissement. Mais l'école primaire n'est pas un établissement juridiquement autonome comme le collège ou le lycée. Elle ne dispose conséquemment d'aucune autonomie juridique et financière. Le directeur n'est pas un « chef d'établissement », il n'en a pas le statut administratif. L'émergence de l'école primaire en France, analysée historiquement en première partie, montre un modèle d'école sous forte tutelle hiérarchique, dans un système très centralisé avec une importante légitimation bureaucratique et réglementaire. Cette légitimité est remise en cause par l'irruption de nouveaux acteurs et de nouvelles politiques, en vue d'une meilleure efficacité qui se concrétise par une demande de travailler en « projet » au niveau local. La méfiance de bien des enseignants face à ce qui est reçu comme une injonction, se répercute à la fois sur la hiérarchie proche (IEN) et lointaine (circulaires, décrets, changements de politiques en fonction des aléas électoraux) mais avant tout sur la direction d'école responsable de la mise en œuvre. Ceci est mis en perspective avec différents modèles sociologiques (deuxième partie) et en particulier avec la sociologie des organisations de Crozier rapportée à des modèles plus récents (Mintzberg, Boltanski entre autres). La triangulation des méthodes permet d'obtenir une vision et des données à la fois généralistes, via une enquête par questionnaire (N=5 747 dont 2 211 directeurs d'école), singulières par une ethnographie intégrée au travail quotidien d'une directrice d'école et complémentaires à partir d'entretiens auprès de directeurs et directrices d'école (N=15) comme auprès de la hiérarchie proche (Inspecteurs, N=5) et décisionnelle, allant jusqu'au cabinet ministériel. Épistémologiquement et méthodologiquement, cette thèse assume la complémentarité de méthodes quantitatives et qualitatives (Troisième partie). Ce travail montre la tension, dans le temps d'un changement de référentiel, entre la liberté pédagogique et l'individualisme qui en découle et un appel au travail « collectif » selon les formes du "New public management". Il montre aussi les hésitations entre ce modèle de « l'autonomie » et du local et un modèle centralisé pyramidal. Il examine le paradoxe d'une direction d'école non hiérarchique, dépourvue de statut et la psychologisation des relations qui en découle. Nous examinons tant le point de vue des directeurs, que celui des enseignants quant à la question particulièrement importante analytiquement du statut des premiers qui clivent les fonctions. L'examen d'un important corpus qualitatif en montre les raisons et les conséquences (quatrième partie). Une ethnographie intégrée et des entretiens de directeurs (cinquième partie) mettent à jour de manière plus précise l'ensemble des enjeux et conflits de pouvoir dans une équipe spécifique; l'occupation des lieux, l'usage de l'argent de la coopérative scolaire, les relations avec les parents et le périscolaire par exemple, complète le portrait du directeur en « marginal sécant ». Des entretiens avec la hiérarchie parachève la situation des directeurs d'école (Sixième partie). Le directeur est sans doute un « marginal sécant », mais son pouvoir » est limité, parfois contesté. Assigné au « sale boulot » du maintien de l'ordre, il est au centre de jeux et d'enjeux d'alliances complexes dans et hors de son école. Il est finalement examiné à quelles conditions il peut être ou devenir un « acteur ingénieux » capable d'entraîner une équipe au-delà de son seul charisme.