Thèse soutenue

Faute lucrative et droit de la concurrence

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Auteur / Autrice : Godefroy de Moncuit
Direction : Muriel Chagny
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences juridiques
Date : Soutenance le 18/10/2018
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire du droit des affaires et des nouvelles technologies (Guyancourt, Yvelines)
établissement opérateur d'inscription : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1991-....)
Jury : Président / Présidente : Natacha Sauphanor-Brouillaud
Examinateurs / Examinatrices : Muriel Chagny, Natacha Sauphanor-Brouillaud, Bruno Deffains, Georges Decocq, Louis Perdrix
Rapporteurs / Rapporteuses : Bruno Deffains, Georges Decocq

Résumé

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Notre étude cherche à démontrer pourquoi les agents économiques sont incités à enfreindre le droit de la concurrence. Le choix de l’infraction dépend de l’avantage retiré du manquement comparé au coût subi. La notion de « faute lucrative » illustre parfaitement l’espoir d’un lucre tiré du manquement à la loi. L’économie comportementale nous enseigne cependant que les déterminants de la conformité au droit sont autres que la recherche du profit. Selon cette discipline, l’incitation – c’est-à-dire la motivation principale de l’agent qui fait le choix d’enfreindre la loi – est détachée d’un calcul coût-avantage. L’agent économique est sujet à des « biais cognitifs » : le défaut d’information disponible ne lui permet pas de faire toujours le choix susceptible de maximiser son intérêt. Appliquée au droit de la concurrence, la théorie de l’agent rationnel, fût-elle critiquable, reste néanmoins la plus pertinente pour examiner la dissuasion car elle permet de comparer la règle de droit à un « prix » qui pèse sur le choix d’enfreindre la loi. L’influence des règles juridiques comme un ensemble de normes incitatives ou dissuasives qui influencent le comportement des agents sur le marché est moins pris en compte par l’économie comportementale qui se concentre davantage sur les biais cognitifs des agents.L'agent économique rationnel qui entend retirer un profit de son manquement peut spéculer sur les multiples failles propres au droit de la concurrence, lesquelles affaiblissent le risque juridique de l’infraction. Deux limites fondamentales affectent la dissuasion : d’une part, celles relatives à l’effectivité des règles de concurrence. La probabilité, pour le fautif, d’échapper à l’application du droit génère des infractions « rentables ». D’autre part, celles relatives à l’efficacité des règles de concurrence favorisent aussi la conservation des gains illicites retirés du manquement, car la sanction imposée par le déclenchement de l’action publique et/ou privée n’est pas adaptée à la dissuasion du comportement déviant.Ces limites concernent aussi bien l’application de l’action publique que l’application de l’action privée en réparation. La fonction dissuasive du « private enforcement » est limitée en l’absence de dommages-intérêts confiscatoires. De même, les vices congénitaux à la loi Hamon paralysent la portée dissuasive de l’action de groupe. S’agissant de l’action publique, le développement des ententes algorithmiques et la spécificité des marchés numériques compliquent le travail de détection des autorités de concurrence. Même en cas de détection, la sanction appliquée à l’agent économique semble sous-dissuasive car, comme le démontre notre étude empirique, l’amende et/ou les dommages-intérêts imposés sont souvent inférieurs aux gains retirés des infractions de concurrence.Par ailleurs, le faible risque pénal pesant sur les dirigeants responsables de pratiques illicites affaiblit la dissuasion, car ceux-ci forment aussi des calculs sur l’avantage qu’ils ont personnellement à tirer du manquement à la loi. Il ressort de nos travaux que la création d’un test de légitimité de l’emprisonnement permet de répondre à la question de savoir, pour chaque type d’infraction de concurrence, si la prison est ou non une peine légitime.En somme, l’étude propose la construction d’un régime dissuasif par étapes, visant à renforcer à la fois l’effectivité et l’efficacité des règles de concurrence. Considérant que l’agent économique opère des prédictions sur le droit applicable, il faut non seulement faire en sorte que le droit de la concurrence s’applique effectivement, c’est-à-dire que le contrevenant soit confronté aux coûts de sa violation, mais efficacement, ce qui signifie que le coût du manquement doit être supérieur à son éventuel bénéfice.