Thèse soutenue

Une poétique de l’étrangeté : plasticité des corps et matérialité du pouvoir (Suzette Mayr, Marie NDiaye, Yoko Tawada)

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Auteur / Autrice : Flavia Bujor
Direction : Emmanuel Bouju
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature générale et comparée
Date : Soutenance le 23/11/2018
Etablissement(s) : Rennes 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Arts, Lettres, Langues (Rennes)
Partenaire(s) de recherche : COMUE : Université Bretagne Loire (2016-2019)
Jury : Président / Présidente : Isabelle Durand
Examinateurs / Examinatrices : Bernard Banoun, Dominique Combe
Rapporteurs / Rapporteuses : Yolaine Parisot, Anne Tomiche

Résumé

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La poétique de l’étrangeté est l’une des expressions d’un “retour au corps” du roman contemporain, par lequel celui-ci interroge sa propre capacité à représenter le monde social. Dans l’oeuvre de Suzette Mayr, de Marie NDiaye et de Yoko Tawada, le corps apparaît comme un objet étrange, dont l’évidence naturelle ne va plus de soi. Il est caractérisé par sa malléabilité voire par ses métamorphoses ; en même temps, il porte les marques des catégories de la domination. La poétique de l’étrangeté peut être interprétée comme une traduction littéraire du tournant théorique « matérialiste queer », qui s’efforce de penser à la fois la dynamique du pouvoir à partir de la production des subjectivités et le caractère structurel de la domination à partir de bases économiques. Au sein du corpus, le corps est à la fois « dénaturalisé » et ressaisi comme le signe d’une histoire intersectionnelle, déployée par le processus narratif. Il n’est pas tant l’expression d’une vérité de l’identité que la construction fictionnelle d’un « point de vue situé ». C’est pourquoi son étrangeté est indissociable de sa valeur narrative : c’est à partir d’un corps fictif que s’écrit une certaine perception du monde, que se redéfinissent les formes romanesques, et que se crée un usage « étrange » de la langue. Ces mutations esthétiques rendent compte, dans des termes propres au corpus, d’une possible rupture épistémique, à partir de laquelle la nature même du corps se voit réévaluée. En s’appuyant sur un dialogue entre la théorie et la fiction, qui prend source dans leur étrangeté réciproque, il s’agit d’ouvrir quelques pistes de réflexion sur l’imaginaire contemporain du corps. Par-là, c’est aussi une certaine reconfiguration littéraire du monde social qui est impliquée.