Thèse soutenue

Développement des pratiques d'écriture et de l'expression écrite : recherches sur les lettres de l'époque amorrite (2002-1595 av. J.-C.)

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Auteur / Autrice : Marine Béranger
Direction : Dominique Charpin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues, histoire et civilisations des mondes anciens des origines à l'antiquité tardive
Date : Soutenance le 20/10/2018
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Établissement de préparation de la thèse : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....)
Laboratoire : Proche-Orient, Caucase : langues, archéologie, cultures (Paris)
Jury : Président / Présidente : Brigitte Lion
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Charpin, Brigitte Lion, Nele Ziegler, Michaël Guichard, Eleanor Robson, Walther Sallaberger
Rapporteurs / Rapporteuses : Brigitte Lion, Nele Ziegler

Mots clés

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Résumé

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En Mésopotamie, l’écriture fut inventée et longtemps maîtrisée par un groupe restreint d’individus au service du temple ou du palais. Après l’effondrement de la troisième dynastie d’Ur, en 2002 av. J.-C., les données archéologiques et épigraphiques témoignent d’une intensification et d’une généralisation du recours à l’écrit. Ce phénomène, connu sous le nom de « révolution de l’écrit paléo-babylonienne » (« Old Babylonian writing revolution »), se traduisit plus précisément par l’abandon du sumérien au profit de l’akkadien, la multiplication des archives privées, le remaniement du système éducatif et l’apparition de nouveaux genres de texte, du format tabulaire et de l’écriture cursive. L’enjeu de notre recherche a été d’étudier les répercussions qu’eut cette révolution culturelle spécifiquement sur la pratique épistolaire de l’époque amorrite (2002-1595 av. J.-C.). Nous avons d’abord cherché à définir la place des échanges épistolaires dans les interactions sociales des Mésopotamiens. En dressant le portrait des épistoliers et en étudiant leurs voies d’accès à la pratique épistolaire, nous avons évalué l’implantation de la communication par lettres dans la société. Écrire et lire une lettre requérait l’apprentissage d’un savoir et d’une technique. Nous avons donc cherché, parmi les exercices étudiés par les élèves pendant leur formation à l’écrit, ceux qui pouvaient leur servir à rédiger et lire des lettres, et avons étudié dans quelle mesure ces exercices les préparaient à écrire des lettres plus ou moins complexes et variées. Nous avons aussi voulu voir si les changements introduits dans le système éducatif ont bouleversé l’enseignement du genre épistolaire et s’ils ont une part dans le développement de la littéracie et de la communication par lettres. La diffusion de l’écrit bouleversa également le rapport des Mésopotamiens au texte écrit : une lecture empirique, « naïve » des lettres a permis aux chercheurs de se rendre compte que les lettres de l’époque amorrite sont plus précises et plus longues que celles des siècles antérieurs. Nous avons voulu objectiver, rationaliser cette impression en étudiant la qualité et la quantité des informations communiquées par écrit. Qu’est-ce qui, dans les lettres, a évolué ? Est-ce le degré d’implicite et d’ambiguïté ? Les lettres pouvaient-elles être comprises sans l’intervention du messager qui les transportait ? Ou est-ce le contenu, devenu plus détaillé et varié ? Ces recherches s’appuient notamment sur la pragmatique, qui offre un cadre conceptuel pour travailler sur la notion d’implicite et analyser la possibilité pour le destinataire d’une lettre d’interpréter le message dans le contexte spécifique de l’écrit. L’éclatement de l’administration centrale, en 2002 av. J.-C., fit naître de nombreux royaumes rivaux. Ces derniers n’utilisèrent pas les mêmes graphèmes ni les mêmes formes graphiques pour écrire leurs lettres, mais peu de comparaisons systématiques ont été effectuées jusqu’à présent. Nous avons étudié comment se sont constituées et ont circulé certaines conventions graphiques. La comparaison des formes graphiques nous a ensuite permis de travailler sur la standardisation des lettres et la notion d’ « orthographe ». Nous avons finalement cherché à évaluer le niveau de maîtrise du système d’écriture requis pour lire et écrire des lettres. Nos recherches apportent un éclairage nouveau sur un corpus qui n’avait jamais été exploité dans son ensemble (environ 7000 lettres) et constituent une première tentative pour analyser les répercussions de l’intensification du recours à l’écrit sur l’ensemble d’une activité, à savoir la pratique épistolaire. Au-delà des assyriologues, ces recherches s’adressent à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’écrit et du genre épistolaire.