Thèse soutenue

Une génération de mères biologiques sud-coréennes (1970-1980) dans l'adoption transnationale. Une approche du lien de parenté par le corps relationnel

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Auteur / Autrice : Clara Hyun-Jung Lee
Direction : Enric Porqueres i Gené
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 17/12/2018
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation de la thèse : École des hautes études en sciences sociales (Paris ; 1975-....)
Jury : Président / Présidente : Séverine Mathieu
Examinateurs / Examinatrices : Séverine Mathieu, Alejandro Bilbao, Jennifer Merchant, Irène Théry, Eunsil Yim

Résumé

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Prenant acte de l’impasse du culturalisme depuis David Schneider, la thèse propose, dans le prolongement des travaux de Viveiros de Castro, de Marilyn Strathern et d'Enric Porqueres i Gené, d’envisager le corps comme le sujet réel du lien de parenté, hypothèse qui permet d’accéder à un sens du biologique non réductible à sa dimension biogénétique et d'éviter l’écueil de sa ‘culturalisation’. La thèse s’appuie sur une étude empirique réalisée in situ auprès de mères biologiques sud-coréennes des années 1970-80. Sa principale particularité par rapport aux études existantes tient à ce que ces mères ont retrouvé leur(s) enfant(s), adopté(s) trans-nationalement plusieurs décennies plus tôt, et aussi à ce que l’étude, les accompagne dans la découverte de leur propre corps comme vrai sujet, acteur, à partir duquel, dans et par la relation s’élabore le lien à l’enfant, au-delà du chagrin.Plusieurs enseignements sont tirés. Premièrement, le corps de la mère doit s’envisager à la fois comme corps perçu et corps percevant, sur le fondement du corps naturant. Le corps perçu, auquel s'identifie ou non la mère biologique lui procure certes une identité, mais fausse car ne participant pas réellement du véritable lien de parenté. Ce corps n’est qu’une représentation animée par la psyché collective via le langage, agissant comme préjugé. Ce corps là n’est pas acteur vivant du lien, mais produit figé de la naturalisation du social, inscrit dans une époque, un espace, une culture donnés, circonstanciés, expression d'une norme répétée tout aussi étroite. Le corps réel, acteur du lien, ces mères le découvrent après les retrouvailles. Il peut être dit « percevant », au sens de Merleau-Ponty (1945, 1964) et Evans (1982). C’est à partir de lui que s’élabore le lien réel à l’enfant. Ce lien d’ailleurs a persisté après la séparation, mais plus ou moins fantasmé, il se manifeste pour compenser l’absence et la honte, en réaction à la norme culpabilisante, par la production de « souvenirs-expériences » symboliques, inévitablement monologiques. Après les retrouvailles, la dimension symbolique du lien évolue, car s’abolit dans l’esprit des enfants, comme des mères, avec la compréhension de leur vécu grâce à l'échange, l’image sociale de « mère abandonneuse ». Face à cet immense corps, enfin revenu, de leur petit enfant, « en chair et en os », la mère découvre que l’hérédité biogénétique ne suffit pas à réenraciner le lien distendu. Le « temps partagé », fondement du corps relationnel, a manqué. Elles entreprennent alors, comme elles peuvent vu la difficulté, linguistique, culturelle, de la communication, de réinventer ce corps relationnel, dans sa dimension participative et émotionnelle, ici et maintenant. Leur identité de mère devient alors plurielle. En conclusion, nous proposons de considérer la notion de « corps relationnel » aux trois différents âges de participation.