Le Parsifal de Jonathan Meese : enquête ethnographique sur un projet de mise en scène contemporaine
Auteur / Autrice : | Maxime Le Calvé |
Direction : | Denis Laborde, Matthias Warstat |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date : | Soutenance le 05/11/2018 |
Etablissement(s) : | Paris Sciences et Lettres (ComUE) en cotutelle avec Institut für Theaterwissenschaft (Berlin) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Brigitte Derlon |
Examinateurs / Examinatrices : Brigitte Derlon, Sophie Houdart, John Tresch, Christoph Wulf |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La présente monographie s’inscrit dans le champ de l’anthropologie de l’art et dans celui des études théâtrales. Elle est constituée de plusieurs enquêtes ethnographiques qui visent à rendre compte, par une série de récits et d’analyse, du destin singulier d’un projet artistique que j’ai accompagné entre 2014 et 2017 : la conception d’une mise en scène pour l’opéra Parsifal. A travers cet évènement, je raconte l’histoire d’une rencontre paradoxale entre un artiste contemporain, Jonathan Meese, né en 1970, et un artiste du passé, Richard Wagner(1813-1883). Le spectacle devait avoir lieu dans le cadre du Festival de Bayreuth de 2016. Sa mise en scène, avec scénographie et costumes, fut conçue par Meese et ses équipes, et présentée aux intendantes. Mais l’affaire tourna mal : la rupture de contrat fut l’occasion d’une vive polémique. Pourtant la rencontre a bien pris place, comme processus de conception, dans les performances de l’artiste, et engendra un autre opéra – le Mondparsifal – présenté à Vienne puis à Berlin en 2017.Jonathan Meese occupe une place importante dans le paysage contemporain de l’art en Allemagne. Artiste plasticien touche-à-tout, il a fait de son personnage le médium central de son œuvre, par une mise en abysse permanente de sa position de grand artiste, entre génie romantique et artiste brut. Il est célèbre pour ses discours provocateurs – il proclame la « dictature de l’art » et reprend le salut hitlérien dans une esthétique influencée par le mouvement punk.Jouant des ambivalences de l’héritage Richard Wagner, Meese fait intervenir dans ses œuvres la figure du maître de Bayreuth, parmi d’autres figures issues de la haute culture allemande mais aussi de la culture populaire. L’exploration des enjeux de son engagement par le Festival montre que l’association de ces deux personnages, par l’étrange résonnance qu’elle produit,a le potentiel d’actualiser une part de l’héritage de Richard Wagner : la dimension radicale et totale de son œuvre.Cependant, l’enquête ethnographique réalisée parmi les wagnériens, au Cercle Richard- Wagner de Paris et au Festival de Bayreuth, montre que cet héritage est l’objet d’autres enjeux qui rendent le renouvellement difficile. D’autres préoccupations personnelles et d’autres valeurs, liés à l’excellence musicale, à la mondanité élitiste et la convenance touristique, favorisent une rigidification des attentes des publics. Celle-ci aura empêché l’œuvre réunissant Meese et Wagner de voir le jour.Le récit de la conception du spectacle qui fut imaginé pour Bayreuth montre les différents métiers aux prises avec les exigences de cette rencontre entre art contemporain et drame musical. Des divergences importantes y ont été observées quant aux manières de procéder ensemble sur le « sentier » de la création, et ce jusqu’à la présentation finale. Je décris la manière dont les images émergent dans l’espace de la discussion, comment différents supports sont utilisés pour les laisser évoluer ou pour les fixer temporairement. Je montre l’évolution cyclique des « versions » reprises à chaque séance, ainsi que les compétences des collaborateurs de l’artiste dans cet effort cognitif distribué.Enfin, j’ai utilisé la méthode ethnographique du dessin sur le vif pour faire le récit des répétitions de l’opéra contemporain Mondparsifal. Par cette méthode du dessin, par ses développements théoriques et par ses récits en première personne, cette dissertation pose l’étude des ambiances comme élément central dans le compte rendu des processus de création. Cette enquête interdisciplinaire met en évidence la singularité de Jonathan Meese en tant qu'artiste et producteur de théâtre, tout en abordant des questions plus vastes sur les processus créatifs polémiques.