Pour une ontologie de l'écologie. Penser les fondements philosophiques de la conversion écologique
Auteur / Autrice : | Isabelle Priaulet |
Direction : | Natalie Depraz, Emmanuel Falque |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie, epistemologie |
Date : | Soutenance le 17/12/2018 |
Etablissement(s) : | Normandie |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Normandie Humanités (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime) |
Partenaire(s) de recherche : | Etablissement d'accueil : Institut catholique de Paris. Faculté de Philosophie (1895-....) |
Etablissement de préparation de la thèse : Université de Rouen Normandie (1966-....) | |
Laboratoire : Équipe de recherche interdisciplinaire sur les aires culturelles (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime ; 2004-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Étienne Bimbenet |
Examinateurs / Examinatrices : Natalie Depraz, Emmanuel Falque, Jean-Jacques Brun | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Jacques Brun |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Cette thèse entend poser les fondements philosophiques d’une « conversion écologique » en éclairant la dimension ontologique de la crise écologique. Tout en s’inscrivant dans le sillage de l’Encyclique Laudato Si’, où le Pape François lance un vibrant appel à la conversion écologique, l’auteur s’efforce de penser les enjeux proprement philosophiques liés à cette notion. En s’appuyant sur des auteurs tels que Heidegger et Hans Jonas, la première partie de la recherche montre la nécessité d’une véritable « conversion » face au péril métaphysique que représente la technique envisagée ici comme dévoiement de notre « être-au-monde ». Dans un contexte marqué par la résurgence du catastrophisme, l’auteur entend ici souligner la dimension humaniste qui constituait l’horizon de la pensée de ses fondateurs (Günther Anders, Jacques Ellül) tout en confrontant leur vision à celle du « Principe Espérance » porté par Ernst Bloch.La seconde partie de la thèse consiste à poser les fondements éthiques et religieux du concept de conversion. De la metanoia platonicienne aux thérapies de l’âme stoïciennes et épicuriennes, l’auteur explore la place de la connaissance de la nature (physis) dans le « retour à Soi » (epistrophè) de ces sagesses grecques. Peut-on voir en elles la source d’une véritable « conversion écologique » par laquelle il s’agirait autant de convertir notre regard sur la nature que d’être converti par elle ? Si oui, quelles en seraient les modalités ? Dans cette perspective, quels sont les apports de la metanoia chrétienne par rapport à la metanoia platonicienne ? En quoi la « conversion des sens » portée à la fois par la mystique franciscaine et la « prière du cœur » des Pères neptiques dans le monde orthodoxe, constitue-t-elle une étape capitale pour penser la conversion écologique comme conversion du corps et du cœur ? Pour mener à bien cette analyse, l’auteur emprunte la méthode phénoménologique afin de mettre en lumière les liens entre conversion et réduction.La dernière partie, plus spécifiquement consacrée à l’écologie contemporaine, s’appuie sur les modalités de la conversion écologique esquissées avec les penseurs grecs et chrétiens pour penser une transformation profonde de notre « affect du monde ». En s’appuyant sur les notions merleau-pontiennes de « chair du monde » et de « monde brut », l’auteur cherche à penser une « empathie universelle » comme socle d’une nouvelle éthique environnementale. A travers une relecture merleau-pontienne de deux grands courants de l’écologie que sont l’écologie profonde (deep ecology) et la wilderness, l’auteur jette les bases d’une ontologie relationnelle dans deux directions. La première envisage la conversion écologique comme un approfondissement du Soi. Dans le sentiment de la wilderness, c’est autant la nature vierge à l’extérieur de nous que le « monde brut » au plus intime de nous-même, qu’il s’agit de préserver pour ouvrir la voie à une expérience transformante du monde telle que la décrit Henri-David Thoreau dans Walden ou la vie dans les bois. La seconde vise un élargissement du Soi par lequel la réalisation de Soi devient indissociable, par un mouvement d’identification, de celle de notre environnement, jusqu’à faire l’expérience charnelle de ce « Soi écologique » dont nous parle Arne Naess en écho à la « chair du monde » merleau-pontienne et aux théories de la Gestalt dont s’inspirent les deux auteurs. Conscient des limites de la pensée occidentale pour cheminer vers cette non - dualité, clé d’une empathie universelle, l’auteur montre, dans la dernière partie de son analyse, l’influence de la pensée bouddhique sur la deep ecology et explore une spiritualité de la résonance avec le bouddhisme zen japonais incarné dans la figure de Maître Dogen, jusqu’à penser une « échologie de la Joie ».