La tragédie de l’expert ou “Langagement en science-friction” comme réponse à la déconstruction de l’autoritarisme et du relativisme de l’expertise scientifique par la sociologie dramaturgique
Auteur / Autrice : | Robin Birgé |
Direction : | Nicolas Arnaud, Jacques Gleyse |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géomatique |
Date : | Soutenance le 29/01/2018 |
Etablissement(s) : | Montpellier |
Ecole(s) doctorale(s) : | GAIA (Montpellier ; École Doctorale ; 2015-...) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Géosciences (Montpellier) |
Jury : | Président / Présidente : Florence Piron |
Examinateurs / Examinatrices : Nicolas Arnaud, Jacques Gleyse, Florence Piron, Joëlle Le Marec, Dominique Vinck, Pascal Nouvel | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Joëlle Le Marec |
Mots clés
Résumé
Mon travail de thèse propose une réflexion au sujet d’un paradoxe ancien mais qui demeure pertinent à travailler dans le contexte renouvelé des "controverses socioscientifiques" publiques. La position épistémique dominante au sein de la communauté scientifique peut être qualifiée de réeliste, à savoir qu’il existe en soi un monde extérieur à la pensée, qu’une connaissance objective et neutre de ce monde est possible, ce qui permettrait un progrès social. Par ailleurs les exigences de la démocratie, comme organisation de gouvernance en vue de construire un monde commun par l'accord du peuple, présupposent que chaque voix individuelle, chaque point de vue singulier est à considérer selon une éthique égalitaire. C'est ainsi que le statut de l'expert en démocratie est paradoxal. En effet, si l’expert est un scientifique appelé à répondre à une question définie par le politique pour laquelle, en contexte de controverse, les données scientifiques disponibles ne permettent pas de conclure, l'expert doit néanmoins proposer une réponse à la question qui lui est posée. C’est ainsi que, même en absence de réponses, l’expert est choisi sur la base de sa présupposée compétence, par le biais d’un accès privilégié au réel. Ce choix suggère que la parole de l'expert est toujours plus intéressante, plus pertinente qu’une parole non-experte, ce qui va à l’encontre du postulat démocratique.Face à la critique de l’expertise, il y a généralement deux craintes, deux spectres (dans le sens « d’apparition effrayante ») de réponses envisageables. D’un côté, il y a le renforcement de la légitimité traditionnelle de l’expertise qui est sous tendue par une épistémologie réeliste, et donc la peur de la confiscation du pouvoir qui en découle. De l’autre côté, altérer les frontières entre science et non-sciences, relativiser le pouvoir de la « grande science » pourrait conduire à une forme de nihilisme, à savoir la perte de la hiérarchie des valeurs, notamment la distinction entre connaissance et croyance, et la perte de la potentialité de fonder une connaissance pertinente nécessaire à une transformation sociale du monde.Mais je me demande également pourquoi l’appel à l’expertise, dont l’une des raisons réside dans la recherche d’une fin (clôture ou finalité, telle est la question) à la discussion, débat au cours duquel on échange des arguments. Selon les partisans d’un réelisme, la discussion scientifique n’est pas de même nature que le débat démocratique, mais dans le cas de mon constructivisme cette différence n’existe pas. Si étymologie de la controverse suppose un face-à-face et une clôture, la discussion pouvant se conclure par une reconstruction ou réarrangement semble plus approprié à une optique constructiviste. L’expertise résistera t-elle à notre enquête dramaturgique ?