Les frontières contestées de la biodiversité culturelle : une approche par les connaissances et les savoirs dans les produits d'origine. Le cas des fromages méditerranéens.
Auteur / Autrice : | Mariagiulia Mariani |
Direction : | Lucette Laurens, Iuri Peri |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Geographie et aménagement de l'espace |
Date : | Soutenance le 13/12/2018 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 en cotutelle avec Università degli studi (Catane, Italie). Dipartemento di scienze della cultura, dell'uomo e del territorio |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Territoires, Temps, Sociétés et Développement (Montpellier ; 1991-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : INNOVATION - Innovation et développement dans l'agriculture et l'agro-alimentaire, Montpellier SupAgro - Innovation et Développement dans l'Agriculture et l'Alimentation / UMR Innovation |
Jury : | Président / Présidente : Marc Dedeire |
Examinateurs / Examinatrices : Lucette Laurens, Didier Bazile, Claire Thuillier-Cerdan | |
Rapporteur / Rapporteuse : Virginie Amilien, Claire Delfosse |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Depuis les années 80, la qualification des produits d’origine est devenue un élément important dans le modèle agricole européen avec le système des indications géographiques (IG), auquel s'ajoutent des systèmes promus par des organisations non gouvernementales, comme les projets Sentinelles de Slow Food. Ces initiatives publiques ou privées, ici appelées Systèmes de Valorisation de l’Origine (SVO), génèrent d’importants résultats environnementaux, sociaux et culturels, en plus d’une valeur marchande.Les décideurs politiques et la société civile s’intéressent de plus en plus aux effets des SVO sur la biodiversité, qualifiée ici de biodiversité culturelle pour souligner la pertinence accordée aux pratiques et aux connaissances locales. Or, ces effets sont encore mal connus. Cette thèse entend y contribuer en explorant l’écart entre les discours, c’est-à-dire les objectifs politiques, les connaissances systématisées et les narratives qui sous-tendent le développement des SVO, et les pratiques locales (explicites et implicites). Elle traite donc les questions de recherche suivantes : quelles sont les institutions et les logiques qui inspirent la définition et la pratique de la biodiversité culturelle ? Comment la codification des connaissances et des pratiques est-elle réalisée et comment les règles sont-elles appliquées ? Dans quelle mesure les savoirs sont-ils modifiés et re-créés ?L’analyse repose sur quatre études de cas représentées par quatre fromages de montagne sous appellation (IG) et/ou objet d’une Sentinelle Slow Food, en France (fromage d’estive du Béarn et Ossau-Iraty), en Italie (Piacentinu Ennese) et au Maroc (fromage de chèvre de Chefchaouen). La démarche de recherche a privilégié l’analyse des discours institutionnels et des cahiers des charges, des enquêtes ethnographiques multi-sites sur 24 mois, l’observation participante et « l’apprentissage » pour décrypter les pratiques locales.L’analyse des discours institutionnels sur la microbiodiversité fromagère montre que les promoteurs des SVO ont intégré la biodiversité culturelle dans leurs stratégies à différents moments et degrés. En dépit des limitations dues au rôle prépondérant du marché, la médiatisation d’un discours sur la biodiversité culturelle peut amplifier la voix politique des acteurs locaux et favoriser les relations communautaires.Résultat de négociations entre les parties prenantes qui présentent des différentes motivations, stratégies et formes de connaissance, les cahiers des charges sont des objets privilégiés pour étudier les effets des SIO. Les cahiers des charges étudiés préservent directement certaines ressources génétiques, goûts et savoirs-faire, comme la pratique de la transhumance et la production quotidienne de fromage en montage, dans la Sentinelle béarnaise. Mais néanmoins, le processus de codification aboutit toujours à l’adaptation et à la réduction de la diversité existante, y compris au sein des SVO les plus orientés vers la localisation des pratiques et la promotion de la diversité des goûts, comme observé au sujet de la réduction des temps d’affinage traditionnels dans le Piacentinu Ennese.Cependant, les connaissances et les pratiques relatives à la biodiversité culturelle sont dynamiques. Les parties prenantes des SVO interagissent dans un processus d'apprentissage, en utilisant des connaissances codifiées et tacites comme outils pour façonner une communauté. Cet apprentissage dépasse les frontières du système de gestion et englobe également les consommateurs et les producteurs qui n’appartiennent pas au SVO, dans le cadre de pratiques partagées. Le cas marocain, par exemple, montre la recréation de pratiques engendrées par une IG qui limite particulièrement la tradition. Le décalage entre ce qui est codifié et ce qui est fait conduit à une redéfinition dynamique des pratiques et des communautés.